Un homme fluet, petites lunettes métalliques sur le bout du nez, tout de noir vêtu… A première vue, Marc Angelle n’était pas du genre à inspirer la convivialité, la joie de vivre. Et pourtant, si vous saviez combien de Rennais, Bretons, gourmands sont aujourd’hui orphelins ! Orphelins d’une assiette toujours gouteuse. Orphelins d’un chef sensible et créatif, grand connaisseur des produits. Mais surtout orphelins d’un homme franc en amitié et d’une énorme générosité.
Je n’ai pas connu le Marc Angelle flamboyant – 1983 / 1994 – du temps du Piré, rue du Maréchal Joffre à Rennes, ou de son restaurant éponyme, situé de l’autre côté de la même rue. C’est mon père, qui faisant parfois le marché avec lui, m’en parlait. Moi j’ai connu le Marco du bistrot. Celui du Mail pour commencer. Ce bistrot d’exception qui ne payait pas de mine de l’extérieur, et encore moins à l’intérieur. On y croisait pourtant tout le gratin (gourmand) rennais. Les plus chanceux avaient le droit de manger à côté de la cuisine, de discuter avec le chef qui leur concoctait alors le meilleur du moment. Une pointure alors débarrassée du poids des distinctions. de cette étoile Michelin acquise en 1984. De ce 17/20 au Gault, de cette Clé d’Or… Un autre temps. Dans son bistrot du Mail, où il œuvrait avec Lydia fidèle depuis 1985, les plats vous arrivaient pour deux ou trois ou plus. Les terrines où de vrais morceaux de viandes côtoyaient des petits pois frais… Des osso bucco bien tomatés, des risottos crémeux à souhait, des sauces foie gras à s’en dévorer les doigts… Je me rappelle encore ces grands parents initiant dans cette salle du fond leurs petits enfants au bien manger. En réservant chez Marc Angelle ils savaient qu’ils transmettaient le meilleur à leurs chères têtes blondes. Qu’est-ce que j’ai aimé ce bistrot ! 38 avenue du Mail. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que Google Earth pour nous rendre nostalgique devant cette petite devanture toute de vert vêtue avec sa cour-terrasse. Ne la cherchez plus en vous baladant, vous allez être déçus par ce que vous trouverez !
En 2008, Marc rejoint le centre ville de Rennes et la place de la Parcheminerie. Il sacrifie à la modernité en s’installant dans un bistrot plus contemporain. Service à l’assiette. Marc lui, se donne en spectacle, devant le client. Des cuissons minutes, une petite plaque pour y « woker » quelques pâtes. Une machine à jambon, des tartines… Derrière, c’est Lydia qui œuvre en cuisine pour les plats plus élaborés. Fleur, la fille de Marc, se charge de la salle. La nouvelle histoire gourmande de Marc n’aura duré que quelques années. Lydia s’en est allée. Marc a replongé dans son réduit de cuisine. Le crabe l’a rattrapé. Pendant que la vie s’acharnait sur lui, Marc s’échinait à nous donner du plaisir. Sa plus belle leçon de cuisine et de vie. Merci.
Olivier MARIE