L’équipe du restaurant Bercail s’est lancée dans la fabrication de cidre. Cette histoire débute dans un garage au coeur de Rennes…
De retour des courses, une retraitée s’arrête interloquée devant ce garage ouvert de la rue Saint-Louis. « Mais vous faites quoi là-dedans ?.. » Un cabas lesté au bout de chaque bras, elle scrute, renifle certainement les effluves et lance : « Du cidre ? » Face à l’acquiescement général des jeunes cidriers en herbe, la dame sourit de plus belle : « Mais quelle bonne idée, vous avez bien raison, c’est bien continuez ! » Plus tard, un passant lance un « bon appétit ! » à l’équipe attablée entre deux broyages, alors qu’un autre pousse la curiosité jusqu’à pénétrer dans le garage, afin de s’enivrer du parfum de son enfance de pommes broyées dans les campagnes du pays rennais ou d’ailleurs.






Cet après-midi ensoleillé de novembre, le cidre ne coule pas dans la grange d’une ferme, mais bel et bien dans un garage du centre-ville de Rennes. Celui du restaurant Chawp-Shop *. « Un jour que l’on discutait avec Sibylle et Greg, ils m’ont fait part de leur envie de faire du cidre. Je leur ai dit que mon garage était dispo pour accueillir leur presse, » explique Taï N’Guyen, chef et propriétaire du « Chawp ». Sibylle et Grégoire… encore eux ! Décidément rien n’arrête l’enthousiasme de ces deux jeunes, propriétaires des restaurants Bercail * et Pénates * à Rennes, avec Caroline Lenormand et Pierre Lucas pour ce dernier. Après le pain, le jardin, le fromage, etc. voilà maintenant le cidre ! « On aime bien essayer des choses, ça nous éclate, » lance Grégoire petit sourire en coin. L’idée pour eux n’est pas tant de se substituer aux producteurs que d’expérimenter, de toucher et transformer le produit. Cuisiniers touche-à-tout !








Avec Gabriel Roquinarc’h, en salle chez Bercail et particulièrement impliqué dans cette nouvelle aventure, Sibylle et Grégoire ont acheté une presse dans la Mayenne, un broyeur à pommes à Dol-de-Bretagne ainsi que deux cuves de 300 litres chacune à la microbrasserie rennaise Origines *. Les 600 kilos de pommes ont été ramassées par leurs soins dans les Côtes d’Armor. « C’est un mélange de variétés locales, à la fois acides et douces-amères, explique Grégoire. L’idée est de faire un cidre brut et un dry hoping à la fleur de sureau. « Nous ne le commercialiserons dans un premier temps, mais s’il nous plaît, on verra pour en refaire et en vendre 1000 bouteilles l’année prochaine ! »







Dans le garage, pendant que Juliette de Peska *, venue aider avec Titouan de Pénates, fait une sieste allongée dans la paille d’orge de la ferme Pradenn nécessaire au pressage des pommes, les curieux et les amis se succèdent en donnant, ou pas, un coup de main. Simon, du bistrot La Mirlitantouille *, passe avec un ami vigneron, alors qu’un autre Simon, voisin de Sibylle et Grégoire celui-là, vient prêter main forte… c’est peu de le dire. Ancien pompier de Paris, « il nous a aidés à installer la presse dans le garage… Heureusement qu’il était là, ça pèse une tonne ! » Titillé par l’équipe, Simon ne se fait pas prier pour relever le défi du moment : broyer une certaine quantité de pommes en un minimum de temps. Quelques minutes plus tard, le record est évidemment pulvérisé et, sous la force du bonhomme, le vieux moulard semble même vaciller sur ses fragiles pieds en bois. Plus tard, c’est même Léo, le fils de Simon, tout droit sorti de l’école qui viendra tourner la roue avant de se rafraîchir d’un jus de pomme des plus frais !..
En attendant d’être bu, et un jour sûrement de régaler les clients de Bercail et Pénates, ce cidre aura déjà renoué avec l’une de ses raisons d’être : créer du lien autour du bien-manger. Non pas dans la campagne cette fois, mais au coeur de la ville.
* Membres du collectif rennais Nourritures
Textes & Photos © Olivier MARIE