24 octobre 2019

Et Rennes régala Marseille…

Par In Actus

« Comment ça vous n’avez pas de galette saucisse ! Mais vous savez, je suis rennaise et je sais bien que c’est la galette saucisse la spécialité de la ville ! » Décidément, les Bretons expatriés ont du mal à sortir des poncifs gastronomiques de leur région natale. Les onze cuisiniers et pâtissiers rennais, venus présenter un concentré de l’esprit du Marché à Manger de Rennes à Marseille, s’en aperçoivent rapidement lors de deux services à La Friche Belle de Mai. Pas de galette saucisse donc, mais des hot-dog d’Origines à la saucisse de cochon de La Ferme de la Lande. Du sarrasin dans les pitas de Debriñ et dans les okonomiyakis vegan de Petite Nature relevés de wakamé et de reinette d’Armorique. Du beurre salé évidemment dans les kouign amann et autres gâteaux et cakes de 16h30 Pâtisserie Gourmande et Responsable… Pas de galette saucisse donc, mais des produits bretons de qualité, de la créativité et de l’enthousiasme dans les plats, à l’image de la gastronomie rennaise venue, à l’invitation de Destination Rennes, régaler les gourmets du sud. 

« L’idée, au travers de cet événement, est de montrer aux Marseillais un concentré de ce que l’on vit à Rennes, explique Vincent Aubrée, directeur communication de Destination Rennes. Et ici en l’occurence la gastronomie, avec le Marché à Manger, et la musique avec les Transmusicales. Nous valorisons la destination par un événementiel et incitons les Marseillais à venir découvrir notre ville. » En deux services, samedi soir et dimanche midi, plus de 1300 plats et desserts ont été servis au rythme, le samedi soir, de concerts programmés par Les Transmusicales en présence de Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé. 

« Au-delà de l’opération de com’ de la ville, c’est génial d’avoir pu se retrouver entre chefs et créer des liens comme ça entre nous ! » lâche Romain Joly, lundi matin de retour à Rennes. Trois jours plus tôt, vendredi matin à 7h00, le même cuisinier n’est pas aussi loquace. « J’ai terminé le service tard et je n’ai dormi que 4 heures. » Accompagné de Nicolas Meunier, son associé du restaurant Origines, ils rejoignent l’équipée à l’aéroport de Rennes Saint-Jacques. Il y a là Marion Juhel de 16h30 Pâtisserie Gourmande et Responsable, accompagnée d’un collègue et ami pâtissier Romain Champalaune, Florian Bobes du restaurant Debriñ et son jeune apprenti Guillaume Biauce, ainsi que des équipes de Destination Rennes, de Rennes Métropole et des Transmusicales. Fidèle à ses convictions écologiques, la team Petite Nature fait quant à elle le trajet en train. 

Une heure et demie après le décollage, les vestes tombent et les lunettes de soleil sont de sortie. Marseille. Une première pour Marion, ravie de participer à l’aventure et de côtoyer ses confrères. Dans le taxi les conduisant à la Cannebière, Nicolas Meunier et Romain Champalaune échangent sur les adresses marseillaises qu’ils souhaitent goûter. Ce sera donc Yima le midi et La Mercerie le soir. Dans le quartier du marché de la rue Longue des Capucins, le dépaysement est total pour les Rennais, ravis de déambuler dans cette rue aux parfums épicés. Chez Yima, les Rennais, avides de tout goûter, se partagent les onze plats de la carte (tempura d’herbes aromatiques, labné, condiment citron, gingembre et vinaigre ; Haché de foie de volaille à la juive, hallah maison, confit de dattes épicé ; Patate douce rôtie, crème crue, harissa maison à l’amande, grenade et sumac ; Tajine de poulet poires confites ; Espadon rôti etc.). Rien de tel qu’un beau repas pour créer des connexions chez des cuisiniers. Ceux-là sentent qu’ils ont des points communs. Quarante minutes de marche plus tard, l’équipée rennaise pénètre La Friche Belle de Mai qui sera son terrain de jeux deux jours durant. 

Ici tout se mêle, skate park, jeux pour enfants, studios de répétition, oeuvres d’art éphémères, du brut, des tags… « Il y a même un train Corail, c’est énorme ! » lance Thibaut Boulais de TVR35 venu tourner un 20 minutes sur l’événement avec Dominique Jamoteau. Puis, au coeur de ce bouillonnement créatif, un restaurant, celui de Fabrice Lextrait et ses Grandes Tables, pour l’instant occupé par une conférence de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie. Les Rennais tendent l’oreille avant de monter sur l’immense roof-top de la friche dominant le quartier populaire de La Belle de Mai. Puis, direction les sous-sol pour découvrir les « carrioles », sortes de food-trucks revisités par les artistes, dans lesquelles ils cuisineront ce soir. La serre pour 16h30, la plancha pour Origines, la carriole friteuse pour Petite Nature et la carriole roumaine pour Debriñ. En attendant la livraison, samedi avant midi, de la marchandise et de toute la mise en place réalisée à Rennes, chacun découvre les ustensiles mis à disposition par le restaurant de La Friche et, évidemment, les cuisines. Toujours un peu inquiets lorsqu’ils sont en terre inconnue, les cuisiniers sont rassurés. « C’est cool, on peut aller boire un coup sur le Vieux Port ! » 

Samedi matin 10h00. Le réveil est douloureux. « Ils n’ont livré que 6 colis sur les 10 prévus ! » En cuisine, Marion est désespérée. Aucun de ses trois colis ne sont arrivés à bon port. « Mais comment je vais faire, je n’ai aucun kouign, ni aucun cake ! Ils étaient tous dans les colis… Je ne peux faire que 60 portions sur les 400 prévues ! » Romain joly, à qui il manque également un colis, la rassure. « On va tous s’y mettre, on va aller chercher de la cam à Marseille, on va trouver. » Renseignements pris, les colis sont bien partis de Rennes mais semblent bloqués à Marseille. Il est 12h00 la hot-ligne Chronopost se ferme au nez des organisateurs qui attendent une réponse. « Il va falloir pousser des portes et aller directement à la base Chronospost pour récupérer les colis coûte que coûte. » Ce sera fait deux heures plus tard. « Les colis sont arrivés à Marseille dans un état désastreux. Il a fallu vraiment négocier pour qu’ils nous les donnent. » Il manque néanmoins l’un des quatre colis de l’équipe de Petite Nature qui justement débarque à ce moment, tout sourire. Après vérification, plus de peur que de mal. « On va pouvoir quand même cuisiner, les produits importants sont dans les colis qui sont là. » 

Le stress matinal retombé, en cuisine tout le monde s’entraide. Florian, dont la mise en place est rapide, aide les pâtissiers. Romain Joly partage du chou avec Martin Sesbouë de Petite Nature qui cuisine dimanche des okonomiyakis. Dehors, les carrioles sont briquées. Malgré des festivals de rock organisés un peu partout en ville ce soir-là, les Marseillais répondent présent et avalent les 650 plats et desserts proposés par les chefs rennais. « Je suis obligée d’arrêter de vendre des kouign sinon je n’en aurai pas suffisamment pour demain, » regrette Marion. Même au bar les fûts de Skumenn défilent. « On en garde deux pour demain, histoire de… » Du début à la fin, la queue ne faiblit pas devant la carriole de Debriñ et d’ Origines, alors que l’équipe de Petite Nature se débat tant bien que mal avec les bacs à friture peu adaptés aux centaines de tempuras de légumes prévues. Dans le public, Béatrice Macé des Transmusicales (peu dépaysée car elle retrouve sa « cantine » Petite Nature) apprécie la soirée avant de passer, avec les chefs, au micro de l’émission radio diffusée en live. Des images de Rennes défilent sur les murs et les premiers concerts s’enchaînent. Des confrères et/ou amis bretons en goguette dans le sud viennent saluer les chefs à l’instar de Cyril Jambu et Norig, Antony Cointre en famille le dimanche, Sandrine Guy ancienne du Centre Culinaire Contemporain, Johann Leclerc etc. Bien avant minuit, le service est plié et les chefs, fatigués, laissent les Trans conclure la belle soirée.

Dimanche 9h00. Jouant à cache-cache la veille, le soleil marseillais revient réchauffer cette matinée d’octobre. Déjà perché sur une échelle, Franck Maciag accroche la pancarte du Marché à Manger. « On laisse tomber nos traditionnelles ardoises mais on va quand même afficher nos couleurs ! » En cuisine, les chefs reconduisent leurs plats de la veille, à l’exception de Petite Nature qui opte pour ses fameux okonomiyakis végé. La clientèle, plus familiale, est toujours au rendez-vous et, comme dans un Marché à Manger rennais, les plats défilent vite et le service est écourté. A 15h00, la messe est dite, même si certains clients s’attardent au soleil. Marion boit un verre avec Romain Joly. Florian entame une partie de pétanque avec Thibaut Boulais et des amis marseillais. Flavie et Nathalie Durou de Petite Nature attaquent le nettoyage avec Emmanuelle et Devin. Des Marseillais s’attardent encore devant la tablette de Destination Rennes, espérant gagner un week-end rennais pendant les Transmusicales. 

Petit à petit, l’ensemble des acteurs rennais de Rennes on Mars se retrouvent autour d’un table. Les bières s’accumulent et le soleil décline lentement. Tout le monde s’accorde pour un pique-nique du soir. Anse de Malmousque d’abord puis, finalement, au pied de l’aqueduc de Vallon des Auffes. Laurent, caviste nature de Plus Belle la Vigne, ouvre exceptionnellement sa cave aux Rennais. Le soir venu, Flavie et Nathalie échangent avec Marion assises à deux pas des bateaux. Emmanuelle discute avec Nicolas. Chacun évoque son quotidien de cuisinier, ses contraintes et surtout sa passion. Romain Joly assure le service des vins. « Doucement, prenez le temps d’apprécier le travail du viticulteur ! » Petite Nature distribue quelques tee-shirt. Devin et Romain rejoignent Romain Joly pour un bain de minuit entre les bateaux à l’ancre. Un riverain, se levant le lendemain à 5h00, demande un peu de calme. Sur le chemin du retour surplombant le Vieux Port, Romain Joly et Marion conviennent d’un repas commun à venir. Des amitiés semblent être nées ici à Marseille, et les Rennais vont en profiter. Ils n’ont pas fini de se régaler !

Textes & Photos © Olivier MARIE

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.

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Et Rennes régala Marseille…

par Olivier Marie temps de lecture : 7 min
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