14 novembre 2017

La nouvelle gastronomie rennaise

Par In Actus

Le Monde, 180°C, Très Très Bon, Omnivore… En l’espace de quelques mois, l’excellence de l’analyse culinaire hexagonale (François Simon, Philippe Toinard, François-Régis Gaudry et son équipe, Luc Dubanchet) s’est déplacée dans la capitale bretonne pour découvrir et goûter principalement 3 maisons : Ima, Bercail et Racines. C’est une excellente nouvelle pour la gastronomie rennaise, d’autant que les visiteurs semblent avoir apprécié leur visite gourmande. Les guides ne sont pas en reste, notamment pour célébrer Ima, Grand de Demain Gault&Millau et meilleur Sophistroquet en région pour Le Fooding (en attendant une bonne surprise au Michelin début février ?). Cette mise en avant médiatique de la gastronomie rennaise est exceptionnelle et tout simplement inédite, il faut bien le mesurer.

Si ces connaisseurs affutés de la chose gastronomique se déplacent, c’est qu’ils ont eu vent d’un renouveau. La ville connait indéniablement un nouvel élan gastronomique, symbolisé par la troïka Bercail-Ima-Racines. Et même si on ne doit évidemment pas résumer la gastronomie rennaise à ces 3 maisons, il faut bien reconnaître qu’elles contribuent, Ima en tête, par leur qualité, leur créativité et leur personnalité, à propulser Rennes dans les villes qui comptent. Elles sont la pièce du puzzle qui manquait à la ville. Comme le notait très justement en 2015, Richard Baussay en charge de la gastronomie au Voyage à Nantes, « à Rennes vous avez de bons restaurants étoilés, de bons bistrots, mais il manque un renouveau culinaire, créatif, d’un bon niveau technique, » que Nantes a accueilli en 2012 / 2013 avec notamment l’U.ni et Lulu Rouget, entraînant avec eux toute une dynamique. 

La gastronomie rennaise ne s’est pas pour autant révélée par magie, l’été dernier, lorsque la « troïka » est née. Les bases sont solides, avec des marchés vivants et populaires (succès confirmé pour le marché des Lices, apparition du marché bio du Mail), des paysans locaux soucieux de bien produire, des circuits de distribution pertinents, mais également la présence de très bons cuisiniers. Sans remonter jusqu’aux années 90, n’oublions pas qu’en 2015, Rennes (et ses alentours) était encore la ville la plus étoilée du grand Ouest avec aozeñ, L’Auberge du Pont d’Acigné, Lecoq-Gadby et Le Saison. A l’époque, 5 étoiles à eux 4 ! Aujourd’hui il n’en reste que 2 mais, paradoxalement, la gastronomie rennaise n’a jamais été aussi enthousiasmante. Comme quoi, même s’ils sont des ambassadeurs de la gastronomie et font figure, qualitativement parlant, d’exemples à suivre, tout ne repose pas sur les étoilés.

Autant que ces derniers, les tenants du bistrot et de la bistronomie (L’Arsouille, Les Carmes, L’Atelier des Gourmets, Le Tire Bouchon, Les Darons, Le Seven, Le Petit Verdot, Chez Paul, Le Globe, Un Midi dans les Vignes, Le Bocal…) participent à la belle tenue de la gastronomie rennaise, travaillant souvent avec les mêmes producteurs que leurs confrères reconnus par le guide Michelin. L’esprit, les vins souvent natures et la simplicité dans le service en plus ! Là encore, bonne nouvelle, le renouveau est à l’ordre du jour avec un cuisinier comme Romain Joly, ancien de l’Arsouille, qui fait les beaux jours de la Cantine des Atelier. 

Aux côtés des étoilés et des bistrotiers qui façonnent traditionnellement le paysage gastronomique local de qualité, la ville voit apparaitre, depuis trois ans, des adresses plus en phase avec les tendances et les comportements actuels. Ces restaurants, parfois des échoppes, sont souvent de petites affaires tenues par des indépendants, naviguant dans des niches. Bio, vegé et sans gluten comme l’incontournable Petite Nature, bistrot girly des copines comme La Kitchenette, coffee shop pour Oh my Biche etc. Sans oublier les tenants du burger et de la planche comme Le Hibou, Les Grands Gamins, Le Gourmet en Ville, L’Echappée, L’Arrivée… On y brunche, on y planche, on y grignote… Aussitôt ouvertes, aussitôt instagramées, ces adresses sont mises sur le devant de la scène à un rythme effréné. On a parfois du mal à suivre mais, quoi qu’on en pense, ce bouillonnement conforte la ville dans la modernité et attire les city-breakers ! 

Rennes, une ville attractive

Ce paysage gastronomique, plus varié que jamais (n’oublions pas les tables de cuisines étrangères qui proposent aujourd’hui une réelle qualité et non plus seulement un « dépaysement » – Angello, Chawp Shop, Chez Meh, Oïshi kata, Mezzelicious, Gusto Pizza…), surfe sur une dynamique plus globale, celle de la ville. Rennes est assurément aujourd’hui l’une des villes les plus en vue de l’Hexagone : 1ère ville de France où il fait bon vivre selon l’Express en 2017 ; Capitale française de la biodiversité en 2016 ; 2ème ville de France où il fait bon étudier en 2016/2017 selon L’Etudiant ; 1ère ville de France pour la satisfaction au travail selon une étude de la Commission Européenne en 2016 etc. Rennes attire et il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas saluer cette mutation, dopée et matérialisée par l’arrivée cette année de la LGV mettant Rennes à 1h25 de Paris, la transformation de certains quartiers comme le Mail, l’ouverture en janvier prochain d’un Centre des Congrès, la création d’une seconde ligne de métro… Face à autant de projets innovants, la gastronomie pourrait paraitre bien anecdotique. Et pourtant, elle fait aujourd’hui partie des leviers que l’équipe en place compte bien actionner afin d’accroître l’attractivité de la ville. Ce n’est donc pas un hasard si Destination Rennes, en charge du tourisme et du Centre des Congrès, a axé l’une de ses campagnes de communication sur la gastronomie. Son jeu en ligne, « Gagnez un week-end gourmand à Rennes » ciblée sur Ima et L’Arsouille, a attiré plus de 10 000 joueurs ! Le discours, la structuration de l’offre, l’événementiel comme l’avenir du Festival Gourmand, sont autant de chantiers gastronomiques actuellement ouverts par Destination Rennes.

Consciente de ses atouts, Rennes ne se contente plus d’accueillir de belles tables. Il faut les montrer et les mettre en scène comme lors du Marché à Manger, un food market trimestriel qui attire quelques 4 000 personnes à chaque édition (prochaine édition le 26 novembre avec des chefs rennais en battle avec des chefs nantais), lors des Toqués de Mythos, festival (culinaire) dans le festival (culturel), lors du Brunch des Créateurs au printemps… Chacun dans son style contribue à valoriser l’esprit festif de cette nouvelle gastronomie rennaise.

Des projets ambitieux

Et demain ? Les projets sont légion. On pense à celui de La Trinité, avec ses 3 restaurants (dont le premier roof-top rennais !) entre la rue de la Monnaie et la place des Lices, à cet hôtel particulier du Boulevard de la Liberté destiné à se muer en restaurant, à la brasserie de la future gare signée par Christian Le Squer, au food-court projeté dans l’ancien Hôtel-Dieu… Sans oublier les multiples projets des cuisiniers déjà en place.

Pour autant, la réputation gastronomique d’une ville ne se bâtit pas uniquement sur une accumulation de restaurants, mais bien sur une famille de cuisiniers et producteurs de qualité et une envie mutuelle d’aller de l’avant. Les « jeunes » Bercail et Racines ont été très rapidement intégrés par leurs confrères et aujourd’hui, une bonne partie des cuisiniers ne voient plus leurs voisins comme des concurrents mais bien comme des confrères. La dynamique est enclenchée, la nouvelle gastronomie rennaise n’a plus qu’à rayonner.

Texte & Photos © Olivier MARIE

 

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.
5 commentaires
  1. poupault 14 novembre 2017

    superbe article qui donne l’envie de rallier la Bretagne …

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  2. Habert 14 novembre 2017

    Bravo pour votre article, je retrouve quelques adresses que je fréquente avec plaisir, le Bocal, le Globe, chez Paul … j’ai hâte de goûter l’IMA, le chef n’a t-il pas tenu l’éphémère restaurant des transmusicales en 2016 ? Encore merci pour la qualité de vos articles.

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    • Olivier Marie 15 novembre 2017

      Merci. Effectivement, c’est bien Julien Lemarié qui a tenu le restaurant éphémère des Transmusicales. Ce sera le cas cette année encore je crois.

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  3. […] GASTRONOMIE | Longtemps à la traîne en terme d’innovation gastronomique, Rennes revient sur le devant de la scène. IMA et Racines en tête, que se passe-t-il… […]

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  4. L'echappé Grill bar 28 août 2018

    Article très inspirant. C’est mon frère qui m’a permis de venir sur ce lien et découvrir cet article inspirant. Je crois que cela lui a donné des idées et il est de plus en plus inspiré pour donner une valeur ajoutée à la gastronomie rennaise.

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La nouvelle gastronomie rennaise

par Olivier Marie temps de lecture : 5 min
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