18 décembre 2020

Gourmets solidaires

Par In Actus

La Grenouille à Grande Bouche, restaurant participatif et redistributif rennais, a ouvert exceptionnellement pour trois jours de repas de fin d’année à emporter. Même si les temps sont compliqués, c’est encore l’occasion de faire plaisir… et d’en prendre en cuisine. 

Saint-jacques d’Erquy et chapon de chez Olivier Renault, pour cette fin d’année La Grenouille se fait plaisir. « Et en plus ça passe dans nos marges ! » s’exclame Benjamin Faix, large sourire aux lèvres malgré le coup de feu d’une mise en place à relancer pour trois services après plus d’un mois de fermeture. Le chef du restaurant participatif La Grenouille à Grande Bouche à Rennes savoure cet instant de cuisine en compagnie de Chloé Chesnel, seconde de cuisine. « Ça fait du bien d’être en cuisine, de rallumer, surtout avec ce type de menu. C’est compliqué pour nous de toucher de tels produits dans notre formule quotidienne à 15,50 € entrée-plat-dessert. Mais là, pour la fin de l’année, on a voulu faire plaisir. J’ai contacté Olivier Renault et j’ai été agréablement surpris de ses prix qui restent accessibles. » Les habitués du restaurant du Blosne, qui reverse ses bénéfices à des associations, vont pouvoir se régaler à 18,50 € le menu, d’autant que les légumes fraîchement cueillis par Les Cols Verts, la micro ferme urbaine voisine, sont aussi de la fête !

Dans le restaurant, assurant d’ordinaire chaque midi sa cinquantaine de couverts, les chaises sont ramassées sur les tables et les lourds doubles-rideaux rouges sont baissés, obscurcissant les murs joyeusement tapissés des belles pages du magazine homonyme. Dans l’une des deux salles, l’équipe de La Grenouille à Grande Bouche improvise un open-space confiné de circonstance. « Nous gérons les réservations du restaurant pour les plats à emporter, les coffrets de Noël que nous avons élaborés avec les thés de Tea&Ty et les chocolats de La Fée Cabosse, mais également le magazine qui doit continuer. » Parrainé par François-Régis Gaudry, le mook participatif trimestriel en est à son septième numéro, consacré en cette fin d’année à la transmission par le goût. Un succès mérité qui demande à être conforté. « Tout est très fragile. Pour le restaurant, c’est pareil, nous étions repartis après le premier confinement sur de belles bases, et voilà que l’on referme tout ! Sans compter que nous venions de payer toutes les charges alors, niveau trésorerie… Tout devrait aller mieux dans les jours qui viennent, » rassure Nathanaël Simon, directeur de la publication du magazine et initiateur du projet solidaire global, avec Louise Catz et Fanny Amand. Cette dernière, d’ordinaire en salle pendant les service, s’affaire sur les réservations du jour. C’est elle encore qui accueille les premiers clients mercredi midi. « Sur les plats à emporter de fin d’année, nous devons au minimum en faire 50 par jour pour que cela soit rentable. » Trois jours plus tard, plus de 200 couverts auront été vendus. Les amoureux de La Grenouille ont eu le coeur à la fête…

Pourtant, depuis la fermeture des restaurants, La Grenouille était restée prudente, ne s’engouffrant pas, comme d’autres confrères, dans cette formule des plats à emporter. « Pas suffisamment rentable. » Exception faite de ce repas de fin d’année donc (3 € plus cher), comme pour mettre un peu de baume au coeur des gourmands, qu’ils soient habitants de ce quartier populaire du sud de Rennes, professionnels de santé du CHU voisin, gourmets solidaires… En cuisine, Benjamin et Chloé s’en sont donnés à coeur-joie pour concocter ce menu spécial avec les saint-jacques à la bretonne « réconfortantes », le faux gras à base de champignons, beurre malté, purée de châtaigne, plongé dans un jus de betteraves, la tourte végétarienne «  aux chanterelles, lentilles blondes, persil racine… », le chapon donc, agrémenté d’un risotto de petit épeautre et d’une farce de foie de volaille, le tout conclu par un dessert, au choix : gros chou pralin oxalis du jardin de Benjamin ou génoise clémentine de Corse brûlée, prune fermentée et ganache chocolat blanc. « Pour l’occasion nous avons géré à deux avec Chloé, sans faire appel à Nassabia d’habitude à la plonge et Romarick, en apprentissage. »

Même si La Grenouille s’adapte à la situation, pas question pour elle évidemment de renier son adn. Jeudi, des bénévoles, qui aident quotidiennement en cuisine et en salle, sont venus donner le dernier coup de main de 2020, pour mettre les plats en boite. « Les créatrices de You.Me, délices du monde – association favorisant l’intégration sociale et professionnelle des personnes réfugiées par la cuisine – sont aussi passées car elles avaient besoin de faire une photo avec la presse locale. Comme elles n’ont toujours pas de local, on leur a ouvert nos portes c’est normal. » Par tous temps, on se serre les coudes dans le monde de la cuisine solidaire.

Vendredi soir, le restaurant a de nouveau tiré ses lourds rideaux, sans date annoncée de réouverture. Le bar tabac et la pharmacie du centre commercial vont trouver le temps long sans le joyeux coassement de La Grenouille.

Texte & Photos © Olivier Marie

La Grenouille à Grande Bouche, 8 place de Torigné, 35200 Rennes.
Tel. 02 30 21 02 49.
Abonnement à la revue : ici

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.

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Gourmets solidaires

par Olivier Marie temps de lecture : 4 min
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