Le guide Michelin vient donc de décerner 5 nouvelles étoiles à la Bretagne, qui en perd 3. Soit 2 étoiles en plus dans la région pour 5 départements, loin d’une « pluie d’étoile »… à l’exception du Finistère (ceci dit la Bretagne mérite-elle une pluie d’étoiles ?).
Le Finistère au pouvoir.
On l’a entendu pendant toute l’année dans les cuisines, « Michelin tourne et retourne en Finistère ». On savait donc que la donne allait changer dans ce département, désormais le plus étoilé de Bretagne.
Longtemps, Olivier Bellin, chez qui Michelin est passé 4 fois en 2015, a été « virtuellement » auréolé de 3 étoiles dans les blogs spécialisés qui s’en sont donnés à coeur joie dans les rumeurs. Mais laissez donc Olivier Bellin tranquille ! Laissez-le construire sa maison, comme il vient encore de le faire récemment en salle. Laissez-le fidéliser une équipe solide comme cela semble le cas aujourd’hui. Laissez-le prendre du recul, s’apaiser. Bien-sur, et ceux qui fréquentent les diverses tables bretonnes le savent, Olivier Bellin sera le prochain 3 étoiles de Bretagne. L’histoire bretonne qu’il nous raconte dans ses assiettes techniques mais jamais obséquieuses, est limpide et puissante. Il semble aujourd’hui seul au monde. Le chef nous promet même, sur sa page Facebook, d’être au sommet l’an prochain ! Patience donc…
En attendant, ses voisins récoltent. Et même s’il n’est évidemment pas question ici de remettre en cause le talent des chefs récompensés (tous ont déjà fait l’objet de papiers dans Goûts d’Ouest, à l’exception de Rackham, qui me faisait déjà envie l’an dernier) on peut légitimement s’interroger sur les conséquences économiques d’une telle concentration de maisons étoilées, surtout en nord Finistère : 8 étoiles de Porspoder à Morlaix ! Nul ne doute de l’attrait touristique des abers, de la baie de Morlaix, de la rade de Brest ou des enclos paroissiaux… qui sont parmi les plus beaux coins de Bretagne. Mais nous sommes quand même loin d’une fréquentation azuréenne. L’hiver est long… Surtout si l’on ajoute à ces étoilés les 13 autres maisons bénéficiant d’une assiette (Hinoki, L’Imaginaire, Globulle, Vioben, Le Viaduc…) et qui font aussi se déplacer les gourmands. A moins que cette concentration n’attire les foules. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter aux restaurants et à ce Finistère si gourmand.
Peut-être aimantés par Plomodiern, les inspecteurs ont donc largement ratissé le Finistère, et leur dernière publication intitulée « La Bretagne ça nous gagne », qui propulse au passage les finistériens Olivier Bellin et Patrick Jeffroy « chefs de file de la cuisine bretonne », est tout à fait révélatrice de ce cheminement. La photographie bretonne en est-elle faussée pour autant ? Pas sûr, même si on aimerait voir le Michelin s’assouplir devant certaines tables (du côté de Nantes par exemple). On remarque enfin que la génération des quadras a du mal à franchir le cap de 1 à 2 étoiles. Pourtant les talents et les maisons ne manquent pas. Olivier Bellin reste aujourd’hui le seul de sa génération en 2 étoiles. C’est trop peu.
Tirel-Guérin
Toutes les nouvelles étoiles en Finistère donc, à l’exception de La Maison Tirel-Guérin de Mr et Mme Duval et du chef Olivier Valade, qui ont bien fait d’alerter Boulogne sur leur travail. Olivier Valade avait encaissé l’an dernier une perte d’étoile qui ne lui était pas imputable. Aujourd’hui, l’injustice est réparée. Cette étoile est bien celle d’Olivier Valade, et les mauvaises langues qui s’acharnent encore à détruire la réputation de cette maison, bien reprise par Mr et Mme Duval, en sont pour leurs frais.
Grand Maison
En se rendant dans le Finistère les inspecteurs se sont arrêtés à Grand Maison, sans être apparemment convaincus. Christophe Le Fur perd son étoile. Secondé par une équipe de qualité, soudée et jeune, Christophe Le Fur ne devrait pas s’en laisser compter. Il l’a d’ailleurs déjà annoncé sur les réseaux sociaux (« I’ll be back ! »)
Sylvain Guillemot
C’est la mauvaise surprise de cette édition. Une claque d’autant plus clinglante que la deuxième étoile avait été décernée seulement 3 ans plus tôt. C’est violent. Très violent pour le chef, sa femme et son équipe. Ne tournons pas autour du pot. On sait très bien que toutes les 1, 2 ou 3 étoiles ne se valent pas. L’Auberge du Pont d’Acigné n’est pas La Grande Maison de Joël Robuchon. Mais dans ces maisons plus « modestes », le Michelin récompense peut être davantage qu’ailleurs une sincérité, une proximité avec les marchés, les producteurs – même si évidemment la technique et l’accueil demeurent essentiels. Quoi qu’il en soit, personne ne peut enlever cette sincérité à Sylvain Guillemot qui n’a jamais délaissé ses producteurs et maîtrise toujours autant ses cuissons. Que l’on ne s’y trompe pas, l’Auberge du Pont d’Acigné demeure une grande maison de Bretagne. Reste qu’ici, Michelin montre que personne n’est à l’abri et qu’il reste seul maître à bord.
Olivier MARIE- Goûts d’Ouest