
Une semaine après, certains parlent d’un bon cru Michelin pour la gastronomie bretonne. On croit rêver. Ah oui, d’un point de vue comptable, la Bretagne gagne… un macaron ! Excellente performance, non franchement par les temps qui courent… Et bien, non, non et non, 2012 n’est pas un bon cru – et désolé d’avance pour les nouveaux dont le talent n’est absolument pas en cause – puisque Michelin a une fois de plus dédaigné la Bretagne gourmande en retirant l’étoile à Jean-Marie Baudic et en ignorant Thierry Seychelles.
En 2009, Michelin demandait aux 2 et 3 étoiles d’élire les 5 plus grands chefs français de demain. Jean-Marie Baudic faisait partie de ceux-là avec Alexandre Bourdas aujourd’hui 2 étoiles, Jean Sulpice, aujourd’hui 2 étoiles, Cyril Leclerc aujourd’hui 1 étoile et Jérôme Mamet, aujourd’hui 1 étoile.
Crime de lèse Bibendum…
Pourquoi Michelin ôte-t-il sa confiance à Jean-Marie Baudic ? le briochin a eu le malheur d’évoquer dans la presse des envies d’ailleurs. Crime de lèse Bibendum ! La quarantaine approchant et après 15 années de cuisine derrière lui, n’est-il pas légitime d’imaginer autre chose que son bistrot ? Combien de Français vivent plusieurs vies professionnelles, bougent d’une ville à l’autre, s’expatrient pour certains à l’étranger vivre d’autres expériences enrichissantes ? Bref, vivent leur vie professionnelle et personnelle pleinement et, surtout, comme ils l’entendent. Jean-Marie Baudic, lui, n’aurait pas le droit ne serait-ce que de le penser, sans se faire taper sur les doigts ?
Pourrait-il y avoir une autre explication ? Une absence ? Celui qui connait la cuisine de Jean-Marie Baudic sait qu’il est dans sa cuisine à… 99%. Car à l’heure où la cuisine connait un boom sans précédent, à l’heure d’une médiatisation à outrance des chefs, quel cuisinier étoilé n’a pas été sollicité pour telle ou telle manifestation, démonstration culinaire, partenariat quelconque… ? A moins d’un concept très pointu comme celui développé par Philippe Le Lay qui impose naturellement sa présence à chaque service, combien de chefs assurent, sur une année, tous les services du midi et soir sans exception ? Et que fait-on de ces excellents seconds qui peuplent les cuisines bretonnes ? Je ne sais pas s’ils l’ont déjà fait mais je suis persuadé que des gens comme David Kiburse, Christophe Le Dru, Jérémy Prévost, Jérémie Hernandez, Albert…pourraient, ne serait-ce qu’une fois dans l’année et sans que ce soit la règle, assurer un service sans le chef à leur côté. Et tant mieux pour l’avenir.
Le Roscanvec oublié
Michelin n’aime pas non plus les louanges unanimes. Tout le monde en Bretagne, professionnels et clients, loue la table de Thierry Seychelles, Le Roscanvec à Vannes. Tous sans exception parlent d’une bonne et belle cuisine inventive, soignée, personnelle… D’une jeune équipe souriante, dynamique, performante… Mais justement, Michelin n’aime pas se faire forcer la main. Alors il détourne son palais, il balaie d’un revers de la plume toutes les qualités de cette table vannetaise. Au grand dam de ce jeune chef et sa talentueuse équipe qui ne comprend plus rien à la chose grand « guidolesque ».
C’est peut être le moment de prendre ses distances avec le Rouge… Et je pense ici à l’association Tables&Saveurs de Bretagne sensée regrouper les meilleures tables de la région. Ses critères d’admission ? Une étoile au guide Michelin ou 3 toques au GaultMillau. Est-ce encore d’actualité à l’heure où nombre de ses membres sont révoltés par les injustices du Michelin ? Et bien qu’ils aillent au bout de leur révolte et reconsidèrent leurs critères. Comment ? Ne peut-on imaginer que des critères imposant des produits exclusivement de saison, une cuisine respectueuse de son environnement, une logique locavore pour le frais valorisant les producteurs bretons qui font bien leur métier, des produits de première qualité… seraient une bonne base ? Chacun étant libre par la suite de proposer la cuisine qu’il aime, classique, contemporaine, bistrotière… Voilà pour le comment, mais quid du qui ? Ne peut-on penser qu’une sélection d’habitués des tables bretonnes – par leur profession ou pour leur plaisir – accompagnés de producteurs, de cavistes, de cuisiniers indiscutables… pourrait composer un éventuel comité de sélection tournant des meilleures tables bretonnes ?
Des bistrots et des étoilés…
On pourrait alors sûrement retrouver aux côtés des membres actuels quelques uns de ces excellents bistrots qui, de Rennes à Brest en passant par Vannes, Saint-Brieuc ou Quimper ravissent les gourmets. Quant on voit la qualité des produits proposés aujourd’hui dans ces maisons on se dit qu’elles pourraient, sans rougir, côtoyer ces étoilés qu’elles ne seront jamais (faites donc un tour sur le nouveau site de Michelin et tapez Rennes puis bistrot-brasserie. Résultat néant. Le Tire Bouchon, l’Arsouille, l’Entonnoir, Chez Paul… n’existent tout simplement pas !). Et oui, les meilleures tables bretonnes ne sont pas toutes étoilées, Thierry Seychelles en sait aussi quelque chose.
Il faut se mettre autour de la table et en discuter pour que cette belle association ne devienne pas une antichambre du Michelin comme elle est en passe de le devenir. C’est le moment ou jamais de s’affranchir un peu plus du Rouge et, pour les cuisiniers, de faire leur révolution culturelle.
Olivier MARIE
Criant de vérité et d’objectivité.
Au-delà des étoiles…
Tout à fait d’accord.
Au-delà des étoiles, il y a des hommes et des femmes passionnés, attachés à leur terroir, et aux savoir-faire indiscutables. Il y a aussi des produits… des produits frais, de saison, locaux et de qualité.
Au-delà des étoiles, il y a de « petits » restaurants, des crêperies, des bistrots, et bien sûr des restaurants de renommée… et derrière la salle, dans les cuisines, il y a des chefs qui favorisent cette démarche, qui au fil des saisons nous proposent des plats composés de produits que nous pouvons retrouver à quelques kilomètres plus loin chez un producteur, un boulanger, ou une confiturière.
Au-delà des étoiles, il y a des réseaux qui se mettent en place et vous donnent les bonnes adresses, tel que « Ma Planète Alimentaire », « Restaurants du terroirs » ou « Voyagez Responsable » du Comité Régional du Tourisme Bretagne, et bien évidemment « Gouts d’ouest ».
Au-delà des étoiles, il y a nous, les consommateurs, amoureux de cette cuisine sincère, qui ne manqueront jamais de féliciter ces chefs… et c’est bien là le plus important : des étoiles dans l’assiette 😉
excellent et tout a fait d’accord .
Je ne partage pas votre avis sur le Roscanvec : pour moi qui fréquente pas mal de restaurants étoilés, cette table n’a pas le niveau ; j’ai été assez déçu par le dîner que j’y ai fais, même si c’était honorable, cela manquait tout de même d’éclat et d’originalité (et certaines associations de saveurs étaient de mauvais goût : conté et betterave par exemple, je n’avais pas aimé). Pour Baudic, je ne peux pas juger, je n’y suis jamais allé, mais il doit bien y avoir des raisons objectives, les étoiles ne disparaissent pas comme ça…
Et tout simplement, votre article me gêne : quel est le rapport entre cuisine et régionalisme ? Je doute que des frontières régionales soient un bon critère pour parler cuisine. Il y a des bons restaurants partout, la gastronomie ce n’est pas un concours entre régions quand même, c’est complètement hors sujet ça, c’est un faux problème qui n’a rien à voir !