Moment unique à Rennes ce lundi 21 mars à l’occasion du vernissage de l’exposition Le Beau Geste. Après avoir été invité à la table (restreinte) d’Alain Passard lors d’un déjeuner concocté par les élèves de l’Ifhor encadrés par Serge Huon et Dominique Delamarre, Goûts d’Ouest a eu le privilège d’assister à une démonstration de chef de l’Arpège. Lorsque la cuisine touche à la poésie, il faut laisser les mots du maître intacts. Verbatim.
« Ce n’est qu’en réalisant ces collages qui sont rassemblés aujourd’hui dans mon livre, que j’ai compris le pourquoi de ma cuisine légumière. Il m’a fallu 10 ans pour comprendre cette rupture avec le tissu animal… En 1999 j’ai mis tout mon savoir faire de la cuisine animale au service des légumes. Je les ai rôtis, braisés, fumés… N’oublions pas qu’avant, l’Arpège était une rôtisserie… J’ai rompu avec le tissu animal car j’avais besoin de mettre de la couleur dans ma cuisine… De la couleur, de la texture et de la saisonnalité. »
« La cuisine légumière est la plus créative… »
La notion de repos créatif
« Il faut arrêter de penser le même produit 12 mois par an. Je pense tomate 4 mois par an… C’est très important pour la créativité… Il faut intégrer la notion de repos créatif. L’aubergine après septembre c’est fini ! Ensuite, je pense à autre chose ! »
« Avant de faire un plat, je suis comme un fleuriste. Je prends mes légumes et je les assemble comme un bouquet. Je me concentre sur les accords de couleurs… Et je ne fais pas d’erreurs si je suis de saison ! La nature a forcément bien fait les choses ! »
« Je réalise une nature morte dans l’assiette et je me promène avec elle au dessus des légumes pour voir si je peux réaliser d’autres accords… »
« Je coupe les légumes dans le sens de la longueur pour préserver leur forme… »
De l’espace et du confort !
« Il faut de grands récipients pour cuire. Il faut voir les légumes, qu’ils ne soient pas tous entassés les uns sur les autres ! Il faut de l’espace. »
« Toujours se faire plaisir, dans le parfum, dans le regard, dans la main. Il y a une notion de confort en cuisine. »
« Soyons dans une dynamique du gommage du geste. Dans la cuisine française la main est beaucoup trop présente. A l’Arpège, nous avons pris les gestes un par un et nous les avons gommés progressivement. Sur quinze gestes, nous en avons conservés trois ! »
Alain Passard a concocté une salade de saison sur des nuances blanches et vertes (sur les photos il s’agit d’une autre assiette). Tous les produits avaient été sélectionnés et apportés par Sylvain Picard, jardinier de l’un des trois jardin de l’Arpège.
Les produits : radis green meat ; navet blanc dur d’hiver ; raifort ; héliantis ; betterave blanche ; ail nouveau ; navet nouveau ; endive.
Le déroulé : Après avoir sélectionné ses produits, Alain Passard a versé de l’eau minérale dans un grand wok. Il a « joué » avec le feu incorporant petit à petit les légumes, « selon leur temps de cuisson. » Un filet d’huile d’olive, quelques lamelles de beurre salé et de beurre au yuzu signés Jean-Yves Bordier. Il a remué régulièrement en faisant mijoter. L’eau en s’évaporant a fait office de liant. Il a ajouté quelques feuilles d’endives crues et froides « pour donner de la texture et jouer sur le contrastes des températures. » A râpé du raifort et du parmesan au final.