29 avril 2020

À Rennes, l’épicerie façon Bercail-Pénates

Par In Actus, Chefs/Tables

Une rue rennaise déserte, un pavé glissant sous la pluie fine, un ciel encore plus gris et plus bas que ces derniers jours à vous faire baisser les yeux. Décidément, cette quarante-troisième journée de confinement s’annonce plus triste qu’à l’accoutumé… Pourtant, en s’approchant du numéro 33 de la rue Saint-Mélaine, les yeux souriants de Caroline Lenormand penchée sur une ardoise (pour les vrais sourires on attendra que les masques tombent), la chaleur d’une rythmique reggae s’échappant du restaurant Bercail et les bonjours enthousiastes de la jeune équipe de cuisiniers vont inverser la tendance et rendre cette matinée finalement joyeuse. Joyeuse comme une ville où les initiatives ne cessent de prendre le dessus sur la morosité ambiante. Une ville où la scène culinaire ne cesse d’innover, de se bouger, d’être solidaire et créative. 

Au 33 de la rue Saint-Melaine donc, les propriétaires des restaurants Bercail et Pénates (fermé pour le moment) sont joyeusement excités à quelques minutes de l’ouverture de leur épicerie de producteurs. Sibylle, Caroline, Pierre et Grégoire ont en effet transformé Bercail en épicerie-cave-traiteur et même librairie avec les derniers numéros de La Grenouille à Grande Bouche à vendre. « On ne sait pas quand on va rouvrir et franchement une réouverture avec des masques et des tables espacées ce n’est pas notre adn, pas celle de la convivialité que l’on souhaite. » Derrière son masque artisanal, Grégoire Foucher n’est pas du genre à gamberger. « Nous avons pris notre temps pour penser cette épicerie, savoir quels producteurs nous avions envie de mettre en avant, alors aujourd’hui nous sommes au taquet et évidemment ravis ! Pour le reste on verra plus tard. » Plus habituée à la salle de Pénates, Caroline Lenormand endosse parfaitement son rôle d’épicière masquée derrière les tables réaménagées dans l’entrée… au stylo derrière l’oreille près. 

Sur sa gauche, dans l’un des frigos prêté par Le Marché à Manger, on trouve des plaquettes du Beurre de Madame de Froment du Léon en provenance de l’élevage de Thierry Lemarchand à Pacé, du beurre, du lait et du fromage blanc de la Ferme de la Renaudais à Plouer-sur-Rance, quelques pièces des Fumaisons de l’île de Groix tout juste détaillées par Sibylle Sellam… Engoncés entre le frigo et les cagettes, des sacs remplis de farine bio de Jean-Pierre Cloteau, produite et transformée à Bain-de-Bretagne, sont régulièrement vidés, succès des pains maisons, tartes et autres gâteaux pendant le confinement oblige. Côté légumes, on retrouve les magnifiques productions légumières d’Émile Biardeau des Légumes de Pesnel, celle de Gildas Macon de Al Liorzh Dizalc’h, des champignons bio, des asperges de La Torche dans le Finistère. Plus loin sur l’étal, des pains au petit épeautre ou au sarrasin tout juste sortis du four partent comme… il se doit. La cave vitrée des vins naturels, également en vente, abrite quant à elle quelques bannetons remplis de pâte. 

Dehors les premiers clients entrent les uns après les autres. Des habitués du restaurants, des curieux, des gourmands, des confrères… À chaque fois, la même présentation : « Là nous sommes en épicerie de produits bruts pour la plupart, mais nous attendons un cochon par exemple et nous allons rapidement vous proposer des produits transformés. » À l’extérieur justement, un camion frigorifique se fraye un chemin dans la rue étroite descendant du jardin du Thabor. « C’est notre cochon, » lance tranquillement Pierre Lucas, le chef de Pénates. Un cochon entier, coupé en deux dans le sens de la longueur, venu de la ferme de Pradenn, dont on retrouve également les cidres sur les étals de Bercail-Pénates. Grégoire ne cache pas son impatience. « C’est génial, on va pouvoir proposer des carrés en frais, de la poitrine séchée fumée, mais également des saucisses, du boudin, des baos, des plats cuisinés… » Un cuisinier heureux comme un gamin. Plié lourdement sur l’épaule du livreur, la moitié de cochon traverse la salle du restaurant sous les yeux de la cliente et des cuisiniers. À peine posé sur le plan de travail de Bercail, les deux morceaux sont désossés par Sibylle et Pierre. « Pour ceux qui en veulent, les filets mignons seront disponibles dans quelques minutes ! » 

D’ici la fin de la semaine, les oeufs arriveront et l’équipe des cuisiniers pourra commencer les pâtes fraiches et les brioches. « Nous allons proposer des ravioles, des gnocchis, des pâtes fraiches… explique Grégoire. Et un de ses quatre je vais sûrement craquer et je vais aller chercher du poisson à Quiberon avec Hervé Bourdon. » Un client ravi de voir cette abondance de beaux produits et ces plats à venir ne cache pas sa joie : « Mais prenez votre temps, allez-y cuisinez tout ce que vous voulez, nous on habite juste à côté, ne vous inquiétez pas, on sera là ! »

Texte & Photos © Olivier Marie

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.

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À Rennes, l’épicerie façon Bercail-Pénates

par Olivier Marie temps de lecture : 4 min
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