J’aime la Bretagne.
J’aime ma Bretagne. Mon caillou. Ma longue langue de terre qui me projette dans l’océan. Et quand bien même le moment serait un peu malvenu de déclarer ma flamme à cette Bretagne qui m’accepte en son sein, eh bien, je m’en fous ! Je le dis, je le répète et je maintiens.
Et ce ne sont pas les vents, les pluies, les nuages lourds, la baisse de fréquentation et les charges qui pèsent tout de même sur mon dos qui me feront changer d’avis.
Je viens de loin, je suis un « Duchentil », l’équivalent breton du « Gaijin » nippon (l’étranger, le barbare) venu bien malgré lui d’un ilot de béton coulé en Seine Saint Denis (93), où les racines ont beaucoup de mal à prendre pied et trouver leur équilibre pour y puiser une force de vie positive. Alors qu’ici, en Bretagne, entre les terres fertiles, les sables odorants et les granits antédiluviens, tout pousse à se poser, à contempler.
Ce matin encore, je pelais quelques belles soles bien brunes et raides, à peine sorties de l’eau tout en guettant la rentrée de Yannick au port, patron de La Belle Brise. Je le vois alors qui passe la jetée, la coque bleue de son vieux rafiot ondulait sur une courte houle un peu hachée par un vent frais. Et puis je siffle, Yannick se retourne. Je lui fais un grand geste des deux mains, comme pour mesurer un poisson, je le vois de loin qui hoche la tête. 10 minutes plus tard, j’avais en cuisine quatre merveilleux – et je pèse mes mots – bars de ligne (deux de 4 à 5 kilos et deux plus petits de 800 grammes). Comment voulez-vous ne pas aimer la Bretagne ? Un peu plus tard je monte au potager faire ma petite cueillette d’avant le service, il y a Patrick qui bosse, qui plante, qui arrache et qui pleurerait presque de ce foutu mildiou qui aura sans doute raison de nos tomates cette années. Je cueille quelques fleurs, basilics, shisos, persils, menthe et je jette un œil aux betteraves, aux navets, aux radis qui poussent plus vite que leur ombre. Et là encore, j’aime la Bretagne. Et c’est la même chose lorsque je reçois les fraises et les framboises incroyables de Damien, quand je fonce sous les serres de Jean-Yves chercher moi-même les aubergines sur leurs pieds, ou quand Jean-René m’apporte ses foie gras, toujours le sourire aux lèvres et le plaisir de se voir quelques minutes.
Alors quelque chose me dit que je ne suis pas le seul à vivre ça. L’ami Jean-Paul Abadie et son magnifique accent béarnais est plus breton que beaucoup de bretons, plus sensible à son terroir d’adoption que beaucoup d’autres, parce que l’air breton l’a transpercé de sa fraîcheur et de sa pureté, on ne peut pas lutter.
Et puis il y a ceux qui reviennent aussi, car au fond, c’est plus fort qu’eux. Il y a Olivier Samson, bien posé à Vannes, il y a Olivier Bellin, puissamment enraciné dans son village et son pays qu’il a fait bleu, il y a Philippe Le Lay qui étincelle à Lorient, et Lionel Hénaff, et Vincent David, et David Etcheverry, et Jean-Marie Baudic et tous les autres qui ne sont pas près de partir je crois. Parce que, au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, il se passe quelque chose ici. Quelque chose qui enfle et résonne au pays où les péages ne sont pas les bienvenus, au pays où les centrales nucléaires ont été repoussées avec force, au pays où le Conservatoire du Littoral nous protège des fous. Il se passe quelque chose depuis quelque temps déjà, et ce n’est pas près de s’arrêter.
Être Breton n’est pas une race car c’est dans le cœur que tout se passe.
Hervé Bourdon, chef du Petit Hôtel du Grand Large (Photo : Romain Joly)
Bon ok, on va te le faire ce passeport breton, t’as passé l’exam c’est bon.
La Bretagne on la vie ou on la quitte
elle ne s apprivoise pas
bise
jm
je n’aurai pas mieux dit et en plus on voit que c’est écrit avec le cœur et ça personne ne peut nous l’enlever….
Magnifique ! Une belle matinée sur la presqu’île, on a l’impression d’y être 🙂
La Bretagne est comme la cuisine, on l’aime ou on la quitte. Que d’éloge mon cher Hervé .. Bonne fin d’été et vive la Bretagne et les cuisiniers Bretons…Bizhhhh