Suite au papier publié par Goûts d’Ouest sur le départ de Julien Lemarié de La Coquerie (lire ici), restaurant étoilé de Lecoq-Gadby, les propriétaires Véronique et Jacques Brégeon, ont sollicité un rendez-vous afin de donner leur vision de ce départ et, surtout, évoquer l’avenir de la maison. Extraits d’une discussion, parfois tendue, toujours courtoise.
Le départ de Julien Lemarié
Jacques Brégeon : « Aujourd’hui, nous sommes obligés de revoir, de façon radicale, l’avenir de la maison en redéfinissant les 3 pôles : traiteur, hôtellerie et gastronomie. Il y a 3 mois, nous avons naturellement proposé à Julien de gérer le pôle gastronomique. Une proposition qui tenait compte de ses qualités indéniables de chef de cuisine, mais également des limites de cette cuisine qui ne correspond pas à l’attente de la clientèle Lecoq-Gadby. Nous avons eu des retours pour nous dire que sa cuisine était un peu toujours pareil et trop japonisante. Nous avons demandé à Julien d’aménager sa cuisine pour qu’elle réponde davantage aux attentes. Nous ne l’avons pas obtenu. Au bout d’un moment, on a bien compris qu’il y avait deux lignes différentes. Lecoq-Gadby c’est une maison rennaise, inscrite dans le territoire, en Bretagne. Nous avons donc opté pour la rupture conventionnelle.
Véronique Brégeon : J’ai également essayé de l’emmener sur mon histoire d’herbes, sur la pomme… Cela a été très difficile et compliqué.
Lecoq-Gadby et l’étoile
Véronique Brégeon : C’est Lecoq-Gadby qui est étoilé. Mes clients viennent pour la maison. Ce ne sont pas les chefs qui sont étoilés. Lors du dernier entretien que j’ai eu avec les gens du Guide Michelin, ils m’ont dit « c’est votre maison que l’on suit, et que l’on suivra toujours… Ne prenez pas de chemins de traverse… » D’accord ? Même si je sais bien que pour les communicants c’est plus facile d’être dans les petits papiers des chefs que dans ceux des patrons… Ok ?
Jacques Brégeon : Quand Julien Lemarié est arrivé, il n’était pas étoilé, il a récupéré l’étoile de la maison. Désormais, il va falloir qu’il la gagne cette étoile. Et c’est tout le bien que nous lui souhaitons, car il la mérite. »
Etienne Mangerel en résidence jusqu’au 31 juillet
Véronique Brégeon : Un jour j’ai vu un jeune homme débarquer dans ma boutique éphémère. Il m’a dit que, pour lui, La maison rennaise c’était Lecoq-Gadby. Le symbole de l’engagement durable, de la qualité, de la maison protectrice c’était Lecoq-Gadby. Nous étions en réflexion depuis Mythos de l’an dernier et cela a été le déclic… Nous allons nous engager franchement vers les herbes et les tisanes, en cuisine comme ailleurs. Etienne a totalement adhéré à cette ligne. Nous allons également réhabiliter les consommés ou encore un plat que j’adore, le canard ou le pigeon aux petits-pois… Nous allons être cohérents, simples, pour donner du plaisir comme l’Auberge des 3 Marches d’autrefois. Nous aurons une formule bistrot du mardi au jeudi midi (29 € ou 25 € entrée/plat ou plat/dessert) et une formule bistrot du jeudi au samedi soir (55 et 75€). La carte bistrot sera la même que celle du Frac.
Jacques Brégeon : Etienne Mangerel est en résidence ici jusqu’au 31 juillet. Nous voulons faire une cuisine authentiquement bretonne et vraiment durable. On veut des vrais produits certifiés, tracés. Il prend le relais en cuisine pour une durée déterminée, mais nous allons travailler plus largement avec lui sur le contenu d’une cuisine hautement durable et authentiquement bretonne. C’est notre ligne. Nous disons la stratégie globale, mais les lignes nous allons les dessiner ensemble, avec Etienne. Ce sera un tremplin pour l’avenir.
Le repositionnement de Lecoq-Gadby
Jacques Brégeon : Nous avons vendu à Bâti Armor, environ la moitié de l’immobilier. Ce qui correspond aujourd’hui au restaurant gastronomique, à l’ancien hôtel, à des salons. C’est toute la partie donnant sur l’allée Montabize et tout ce qui est après la maison à colombage rue d’Antrain. Nous conservons donc cette maison historique, l’hôtel contemporain, le spa, le jardin, qui sera redessiné en espaliers, la cantine de notre gendre. Quoi qu’il en soit, les choses restent en l’état jusqu’en janvier.
Véronique Brégeon : La société Lecoq-Gadby en arrive là car, lorsque vous avez 3500 m2 en centre ville et que vous remplissez deux jours par semaine, à un moment, il faut faire quelque chose. Nous avons identifié les métiers pour voir lesquels étaient les plus rentables. Côté traiteur, nous avons des vues sur un laboratoire à Saint-Grégoire et un peu plus tard ailleurs sur un nouveau terrain. Côté hôtellerie c’est catastrophique aujourd’hui à Rennes car il y a pléthore de chambres. Lorsque nous étions le seul 4 étoiles de la place, le prix moyen était autour de 200 €. Aujourd’hui il est tombé à 115 € ! Pour sortir de ce marasme hôtelier, il faut clarifier notre offre. A partir de cet été, on ne commercialisera que l’hôtel contemporain. Un hôtel éco-labellisé, dans un lieu privatisé, avec parking privé, à l’abri du bruit de la ville, avec une offre spa innovante… ce que les autres n’ont pas.
Jacques Brégeon : Le futur Centre des Congrès est un projet ambitieux et très pertinent, que nous soutenons totalement, mais qui va nous ôter environ la moitié de notre chiffre d’affaires. D’où la vente d’une partie de l’immobilier pour permettre le redéploiement des activités. Délocaliser le traiteur, maintenir l’hôtellerie et le restaurant dans les lieux. Par ailleurs, nous restons en veille pour acquérir, en centre ville, des locaux pouvant recevoir l’activité Lecoq-Gadby : une boutique, une possible offre de restauration ainsi que le back-ground séminaire. Il y a des lieux à Rennes qui peuvent se prêter à ce type de projet. Nous pouvons être des opérateurs et attendrons la bonne opportunité avec les bons partenaires, la ville, des investisseurs…
Le nouveau restaurant Lecoq-Gadby
Véronique Brégeon : Notre maison à colombage du 17ème devient, à partir de Janvier, le restaurant de Lecoq-Gadby. Ce sera un restaurant cocon de 24 couverts, soigné, avec une salle manger privée à l’étage. Le restaurant prendra place dans l’actuel salon Directoire avec une entrée sur la rue d’Antrain, comme autrefois. Nous allons également aménager une cuisine ouverte sur l’accueil des clients. Nous aurons 3 personnes en cuisine et 2 en salle. Pour trouver un nouveau chef, homme ou femme d’ailleurs, nous avons réactivé nos réseaux à l’école Ferrandi, l’Académie Bocuse… Nous transformons la maison, nous changeons les hommes. Conserverons-nous l’étoile ? Nous verrons bien.