« Salut Olivier, nous allons à la pêche à pied avec Kevin et Mathilde d’Istrenn mardi. Si tu es dispo et souhaites nous rejoindre c’est avec grand plaisir ! » Le sms signé Angélina de Comète tombe un samedi. Comme une éclaircie dans ces interminables journées alors contraintes. Comme la promesse d’une double bouffée d’oxygène. Physique d’abord, à grimper sur les rochers et à fouler le sol sableux, tacheté de flaques laissées par la marée descendante aux Ébihens. Mentale ensuite, en compagnie d’une jeune génération de restaurateurs si soucieuse de son environnement et de partages. Précédemment enfilées pour un reportage paysan, mes bottes crottées sortent donc du coffre pour se frotter cette fois au littoral costarmoricain.






Même si le soleil tarde à percer sur le Chevet, à la pointe septentrionale de la presqu’île de Saint-Jacut, les rafales de vent font espérer un changement rapide sur l’archipel des Hébihens. Sur le parking en terre, au milieu de pêcheurs à pied aguerris à l’outillage hétéroclite, je reconnais Kevin Dubois et Mathilde Goarin d’Istrenn à Hirel, accompagnés d’un inconnu. « Bonjour ! Alexandre Frin du restaurant Ombelle à Dinard. » Quelle bonne idée, une adresse qu’il faut absolument que je fasse (et je n’ai que trop tardé). Angelina et Victor de Comète nous attendent un peu plus loin sur la pointe, assis dans l’herbe, faute encore d’y déjeuner. Ces cinq-là ne semblent pas se connaître depuis bien longtemps, mais leurs sourires et les discussions qui s’enchaînent naturellement en disent déjà suffisamment sur le plaisir qu’ils partagent… Les jeunes cuisiniers et restaurateurs de la Côte d’Émeraude parlent produits, Nature, confrontent leurs pêches passées, évoquent leurs coins, etc.








De la joyeuse troupe, Alexandre semble le plus avisé sur cette zone de pêche prisée des amateurs qui ne viennent pas ici pour racler quelques coques, mais bien pour pister et dénicher homards et ormeaux, les princes de la marée. À quoi reconnaît-on un habitué comme Alexandre ? C’est bien le seul à avoir enfilé short et baskets, n’hésitant pas à s’engager dans l’eau à hauteur de cuisses pour gratter les recoins inaccessibles aux… pêcheurs bottés. À l’arrière, armé d’un croc à crustacés et d’une grapette à trois dents, Victor arpente les rochers en compagnie d’Angelina, panier en bandoulière. L’équipe Istrenn file quant à elle droit devant, à une allure beaucoup plus soutenue. Nous sommes entrés dans le vif du sujet, l’affaire est sérieuse, à chacun son coin. « C’est sûrement un peu tôt dans la saison pour le homard, mais on verra bien ? » lâche Victor dont l’enthousiasme semble à toute épreuve.
















La compagnie se retrouve une bonne heure plus tard autour d’un homard trop jeune pour finir à l’armoricaine. Il faut bien se l’avouer, la pêche est maigre, même si les uns et les autres ont croisé ici un jeune ormeau ou laissé filer là un crabe bien habile. Quelques étrilles garnissent néanmoins le fond du panier. Il en faut plus pour freiner les ardeurs et d’ailleurs, Alexandre s’engouffre déjà dans une cavité, semble-t-il prometteuse à entendre les grognements d’un amateur expérimenté doublé sur le fil et obligé de prendre son tour… Mauvaise pioche là encore.










C’est en revenant vers La Roche aux Grands que l’estran aura enfin pitié des cuisniers-pêcheurs et, généreux, récompensera l’enthousiasme général. Adieu ormeaux, coques, homards ! La pêche miraculeuse viendra du sol, des fouisseurs qui, invisibles, sont néanmoins trahis par ce petit jet d’eau si caractéristique des couteaux. À ce jeu, Kevin est le grand gagnant. Dès qu’il devine la présence d’un couteau, il plonge la main dans le sol meuble à une vitesse impressionnante. La pêche est bonne mais la lutte acharnée. Fidèle à son patronyme, le mollusque bivalve taillade à plusieurs reprises la main du chef d’Istrenn. Tout le monde s’y met et le panier se remplit vite. Ce soir, sous le grill ou rapidement poêlés, les couteaux feront des heureux !
Dans ma voiture de retour vers Rennes, serpentant par les départementales costarmoricaines, je me dis qu’à l’instar de ce qui se passe à Rennes, la côte d’Émeraude semble prête à créer une dynamique autour de ces jeunes, passionnés de bien manger et d’échanges.
Comète
35, rue de la grève, 35800 Saint-Lunaire – Tel. 02 23 18 15 99
Istrenn
75, Grande Rue, 35120 Hirel – Tel. 09 81 03 06 03
Ombelle
19, Bd Wilson, 35800 Dinard – Tél. 09 88 03 35 35
Texte & Photos © Olivier MARIE