Mardi matin, 7h30. Gilles Jégo arrive tout juste de sa tournée des criées de Lorient, Quiberon, Saint-Guénolé, Le Guilvinec et parfois Loctudy ou Audierne. Quand on veut le meilleur, on ne lésine pas sur les kilomètres matinaux ! Le cul du camion tourné vers l’entrepôt, les hommes déchargent les caisses. Des yeux bombés, des ouïes rutilantes, des poissons bien fermes. Bar de lignes, saint-pierre immenses, maquereaux, langoustines, pousse-pied, lieu jaune, baudroie, lottes etc. Dieu que la mer est généreuse. C’est ici que l’on en prend toute la mesure. Hervé Bourdon lui, est aux anges. « A Lorient, quant on parle de qualité on dit la qualité Jégo ! » A tel point qu’aujourd’hui, le chef de cuisine et propriétaire du Petit Hôtel du Grand Large à Portivy ne dit pas « mes petits pêcheurs » mais cite carrément les noms de bateaux ! Comme la P’tite Suzy ou le Malouba, « celui là, tu peux être pratiquement certain qu’il te ramène des maquereaux de première qualité. Car je sais où il pêche, je sais qu’il prend soin des poissons. J’adore me dire que tel ou tel poisson vient de tel ou tel bateau. » Même s’il sait qu’il ne va prendre qu’un bar (et quel bar, plus de 4 kg !) et un mulet, il ne peut s’empêcher de soulever les bacs. « Je ne regarde jamais les prix pour le poisson. »
Ancien directeur de créa dans la pub
Ah parce que vous pensiez peut être qu’il avait quitté Paris et son job de directeur de création dans la pub pour faire le cuistot du dimanche avec des poissons d’élevage pêchés à l’autre bout du globe ? Non. Il ne travaille que les locaux et tous les locaux. « Je déteste cette notion de poissons nobles. Tous les poissons sont bons s’ils sont bien cuits. J’ai par exemple un « méconnu » à ma carte. On ne dit pas ce que c’est, mais ce n’est ni du bar, ni de la lotte ou du turbot évidemment. Plutôt un mulet, de la baliste, de la bonite, de la bogue… » Tous les poissons sont cuits à la plancha. Hervé observe la cuisson « au millimètre. C’est une plancha en fonte qui n’abime pas le poisson. » L’essentiel étant de conserver le goût du produit. Le bar viendra rejoindre au final son dashi, un bouillon japonais agrémenté de lamelles de radis, de blé noir, de choux fleur rouge, de rondelle de sudachi cet agrume japonais aux allures de citron vert. On y est, l’autre tendance de la cuisine d’Hervé (outre le poisson – et la seule viande qui résiste à la carte à du mouron à se faire) c’est l’Asie. Dashi donc, mais aussi purée fumée au thé, huîtres gingembre, yuzu, sudachi donc… « J’aime le savoir-faire et l’intelligence de la cuisine japonaise. J’adorerais arriver à un degré de simplicité extrême. »
A la condition express d’avoir l’aval de Catherine son épouse. Ce brin de femme au sourire ravageur et au rire communicatif est l’autre pilier du Petit Hôtel du Grand Large. Sur les quais de Portivy, épargné par les flots touristiques envahissant régulièrement la presqu’île de Quiberon, Catherine est une bouffée d’oxygène.
Le Petit Hôtel du Grand Large / Quai d’Ivy, Portivy, 56510 Saint-Pierre de Quiberon / Tel. 02 97 30 91 61
texte et photos extraits du livre Une Table Ronde et des Étoiles – Ed. Planète Rêvée