11 juillet 2015

Les Carmes, à faire de toute urgence !

Par In Chefs/Tables

Les Carmes-30

On appelle ça une épée de Damoclès. Elle est suspendue au-dessus de la tête de Etienne Mangerel, le chef et propriétaire des Carmes à Rennes. « Dès que nous avons repris, il y a trois ans, on nous avait précisé que le bâtiment fermerait un jour, pour gros travaux de structure. Depuis nous attendons, sans jamais savoir, ni quand, ni pour combien de temps… 3 mois, 6 mois, 1 ans de fermeture ? Alors franchement je ne sais pas si c’est une bonne idée de faire un reportage avec moi maintenant… » Oh que si ! Car même avec son avenir incertain, Les Carmes vaut un détour immédiat. Et c’est encore un vrai coup de coeur Goûts d’Ouest que cette rencontre avec ce chef passionné, gourmand de cuisine, ouvert sur le monde et débordant d’envies et d’idées pour l’avenir. Oui les Carmes mérite un reportage aujourd’hui car, voyez-vous, cette fermeture est peut-être, malgré tout, une bonne nouvelle, puisque Etienne Mangerel va en profiter pour mettre en place sa vision future de la cuisine.

« Durant ce laps de temps, je vais aller à la rencontre des producteurs qui me plaisent. Les maraichers, les éleveurs, les pêcheurs, France Haliotis avec ses ormeaux, les mytiliculteurs du Vivier sur Mer, le paludier Joël Noury à Guérande… Parce que je fonctionne comme ça, au feeling des personnes. Le relationnel compte énormément. » Comme aujourd’hui avec Olivier Renault ou Annie Bertin. « J’ai une affection toute particulière pour les Renault et je ne me verrais pas travailler avec quelqu’un d’autre pour les volailles. » Idem avec Annie Bertin. « J’aime ses produits et la personne. Sur le marché, je passe du temps avec elle, à discuter… Elle est venue manger chez moi et m’a sensibilisé aux vins biologiques. » Lorsqu’un chef prend le temps d’aller à la rencontre de ses producteurs, c’est évidemment une bonne nouvelle. Mais ce n’est pas tout…

Cette fermeture pourrait encore nous réserver une autre heureuse surprise. Disons-le clairement, la salle d’aujourd’hui manque de décontraction. Elle semble en décalage avec l’assiette et surtout la philosophie du chef. « Nous avons déjà bien évolué de ce côté en nous débarrassant des nappes par exemple, mais il faut aller plus loin. » Plus loin, c’est peut-être, selon Etienne Mangerel, donner aux Carmes une note bistrotière, voire bistronomique. « J’adore les bistrots parisiens du type Le Chateaubriand. Gastro dans l’assiette et bistrot dans l’âme ! Décontracter, réduire et simplifier l’ensemble. Travailler à l’ardoise, proposer 4 entrées, 4 plats, 4 desserts à des prix différents et un seul menu dégustation à l’aveugle. Diviser la carte des vins par deux, s’orienter, entre autres, vers des bouteilles natures ou biologiques, déposer la bouteille sur la table… L’idée est de faire des assiettes de belles qualités, gastronomiques de part les produits, avec un dressage personnalisé, contemporain… Tout en décontractant l’ensemble, proposer une salle table d’hôtes… Je veux que les Carmes s’ouvrent à tout le monde, que l’on y vienne plus facilement, que le restaurant vive ! »

Alors on commence carrément à saliver en imaginant le futur lieu de cuisine de Etienne Mangerel. Aux Carmes, ou ailleurs sur Rennes… On salive parce que cet ancien informaticien de 34 ans, marié à une polonaise, est un fou de produits et d’expérimentations. Aujourd’hui, il fait pousser ses petits pois, son cerfeuil et son basilic nouveau dans sa cave, avec de petites lampes bricolées entre des étais qui soutiennent vaille que vaille la maison ! Travaille le poisson basse température, les cuissons en croûte de sel… Il fait ses marchés comme on l’a vu, il va à la rencontre des producteurs, passe un temps incroyable en cuisine… « Lorsque je suis rentré en France après 7 années passées en Irlande, j’ai pris une claque avec les saisons, avec les marchés, les produits… En arrivant je voulais mettre à profit toute la modernité de la technique et de la cuisine anglo-saxonne, acquise dans des brigades cosmopolites aux côtés de mon premier chef Thomas et d’autres étoilés, au service des produits de saison. J’ai sourcé les produits, tendant vers le bio et le raisonné. C’est une obligation pour moi, j’ai l’impression comme ça que je peux sauver le monde ! » rigole-t-il. On sent que toute cette richesse accumulée au fil des années en Irlande, ne demande qu’à exploser. « J’aimerais revisiter les sandwiches, faire des brunches de folie, avec du boudin de chez Beucher, un oeuf bénédictine… Les anglo-saxons font tout maison, c’est vraiment ce que j’essaye de reproduire ici. »

Allez, il est temps d’aller faire un tour du côté des assiettes ! Comme ce céleri cuit dans une croûte de sel assaisonnée aux herbes, thym, romarin… « Je vais en tailler des tronçons, juste saisis et servis avec une pleurote coréenne, une duxelle de champignon légèrement truffée. » Ou encore tient, cette salade d’asperges blanches, maquereau mariné au vinaigre de riz et brûlé au chalumeau, servi avec une hollandaise au miso et un jaune d’oeuf confit. Ce midi, Etienne prépare un rafraichi de chou-fleur et rillettes de chair de tourtearu, crumble parmesan orange. En plat, une poire de boeuf, saignante, compotée d’oignons rouge et jus aux herbes, pommes de terre fondantes. « J’ai également un risotto d’orge perlé, haddock fumé, moules et petits pois, émulsion de langoustine. » Et pour terminer, un crémeux chocolat, spéculoos meringue au poivre rafraîchissant de Timut. Ou pourquoi pas cette pana cota au romarin, glace amande douce, le tout marié à une déclinaison d’abricot en purée, poché, en gelée…

Les Carmes, 25 couverts, des menus à 20 (midi), 33 et 49 € « avec un gros travail dans l’assiette… Ca me rend malade lorsque je vois que certains cartonnent avec du surgelé et un bon emplacement… » Et nous donc ! Il faut absolument défendre des maisons comme Les Carmes, y aller, y retourner… avant qu’elle ne ferme et ressuscite !

Les Carmes, 2 rue des Carmes, 35000 Rennes. Tel. 02 99 79 28 95 

http://www.lescarmes-rennes.com

 

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.

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Les Carmes, à faire de toute urgence !

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