On a beau scruter, pas de kilomètres de parcs à huîtres à l’horizon. Tant pis pour l’image d’Epinal. Les longs linéaires de tables garnies de poches reposent, en mer, à deux heures de route de là, au large de Carantec. « Là-bas il y a 200 ha, ici seulement 5 ha, » lance Jean-Jacques Cadoret. Ici comme il dit, c’est la rivière de Belon. Ambiance sereine, sans houle, sans embruns. Bien abritées juste à la sortie de l’anse de Sainte-Thumette, les huîtres plates dites de Belon se fortifient, patiemment. « Le Belon est à 100% un site d’affinage. Personne n’élève d’huîtres ici, l’environnement est trop riche, il détériorerait la coquille. »
Les plates sont donc là, dans leur Belon, encore immergées à même le sol. « On ne les enferme pas en poche car elles ne se développeraient pas convenablement, il y aurait trop de mortalité. » Semées, elles vont s’imprégner pendant 3 à 4 mois de ce terroir avant d’être ramassées à l’ancienne, à la fourche. Un long travail afin de donner en bouche cette douceur, ce goût noisette si caractéristique, «et ce poisson si croquant, consistant et charnu,» précise Jean-Jacques Cadoret dont l’histoire avec le Belon remonte à 1880. «A la place de l’entreprise et de sa cinquantaine de salariés, vous aviez une cabane !» Il est l’un des 6 ostréiculteurs à travailler sur le Belon.
Nées, élevées et affinées en Bretagne
« Mon père ne s’est mis à la creuse depuis que quelques années seulement ! » Il faut dire que la Belon, « une appellation valable pour toutes les huîtres plates nées, élevées et affinées en Bretagne et pas spécialement pour celles affinées dans le Belon, » est l’huître historique de la Bretagne. « Avant il n’y avait que des plates en Bretagne. Elles ont subi diverses maladies et, dans les années 70, une épidémie plus importante les a pratiquement toutes décimées… Il en restait à Cancale, qui s’est alors spécialisé jusqu’à devenir aujourd’hui le plus gros centre d’élevage de plates en France. »
Comme la plupart des Belons, les huîtres plates Cadoret viennent de Cancale. « Elles arrivent déjà adultes. On les place à Carantec, où elles se fortifient une année, avant de les affiner dans le Belon. On pourrait commercialiser des plates au sortir de Cancale, mais ce n’est pas le même produit. L’huître ne serait pas aussi charnue, elle n’aurait pas cette douceur, ce croquant. Cela n’a rien à voir… » Aujourd’hui le marché de cette plate qui est exclusivement élevée au nord de la Loire, est dérisoire. « C’est environ 1000 à 1500 tonnes… Nous assurons 350 tonnes, le tiers de la production. » Un marché fragile où les gros calibres se font rares. On va en trouver dans les belles brasseries parisiennes, dans les restaurants gastronomiques. « Les 4 zéros et au-delà sont quasiment introuvables. On considère que le marché se situe entre la numéro 5 et zéro, » lance Jean-Jacques Cadoret en croquant une… quadruple zéro ! face au Belon, par un beau soleil… Un moment rare.