14 mai 2014

Coat-Albret, Morgan de cidre…

Par In Producteurs

Loïc et Morgan Berthelot - Gouts d'Ouest

On s’était habitué à Loïc, il va désormais falloir compter avec Morgan. Non pas qu’un prénom breton chasse l’autre chez les Berthelot, non… Mais Morgan Berthelot, 27 ans, s’affiche désormais davantage aux côtés de Loïc, son père si charismatique, avant de prendre le relais à la tête de Coat Albret. C’est une transmission heureuse qui se déroule actuellement dans l’une des maisons phares du cidre artisanal en Bretagne (reportage à lire également ici).

Loïc Berthelot ! Le fameux «plouc» assumé et revendiqué. Le regard espiègle, la finesse d’esprit, le verbe engagé. Un éducateur spécialisé passé au cidre en 1983, après avoir été crêpier sur Rennes. Particulièrement pointu dans la maîtrise des levures, les assemblages… ce slowfoodien dans l’âme a construit avec succès un cidre de haute volée, de cru, élaboré avec les récoltes des hommes du pays de Bédée en Ille-et-Vilaine. Un cidre servi à la table des plus grands, des plus exigeants. Michel Guérard, Olivier Roellinger, Breizh Café, Sylvain Guillemot… Un cidre populaire présent dans d’innombrables crêperies de Bretagne et d’ailleurs. Un cidre également très personnalisé. Coat-Albret c’est Loïc Berthelot. Comme une évidence. C’est même lui qui vous lance son fameux «Yec’hed Mat» (santé en Breton) sur l’étiquette.

Et le temps passe. Et un jour il faut penser à la succession… Chez Coat Albret, la succession sera donc familiale. Dans l’entreprise depuis octobre 2013, Morgan ressemble à son père. La même passion, les mêmes cheveux au vent, les mêmes petites binocles… Ces deux là sont faits du même pommier, point de doute, même s’ils ne sont pas assis sur la même branche. Morgan a sa propre personnalité et c’est tant mieux. Allez, cédons-leur la place dans Goûts d’Ouest !

La transmission de l’entreprise du père vers la fille a toujours été entendue ? C’est un passage de témoin qui a été naturel ?

Morgan – Cette reprise semblait naturelle, elle allait de soit pour tout le monde. Sauf qu’à un moment je me suis interrogée : est-ce que c’est évident pour moi ou pour eux ? Parce que tout le monde m’y attendait ! Alors j’ai d’abord dit non. Je suis partie travailler dans une pépinière de jeunes maraichers en région parisienne. Un métier qui me plaisait, mais très physique et finalement peu valorisé comparé aux efforts investis. J’ai arrêté et me suis dirigée vers une formation en alternance contrôle de gestion… 

Loïc – Sincèrement, de mon côté, je n’avais pas totalement fait mon deuil. J’avais eu plusieurs offres d’achat, mais aucune ne me plaisait… en fait je  crois que je n’avais pas très envie de vendre. Lorsque Morgan a refusé la reprise, je me suis dit que j’allais rester ici jusqu’à mes 70 ans, en aménageant mes horaires. Cela m’aurait permis de donner une échéance aux salariés. J’avais aussi imaginé une reprise par les salariés, monter une scoop. Je ne voulais pas en faire une entreprise capitalistique, vendre au plus offrant etc… Il y a des salariés, des familles derrière… c’est une responsabilité importante une boite. Surtout quand tu connais tout le monde. On ne joue pas avec les gens comme ça. Aujourd’hui, la vie de l’entreprise est saine, la future patronne me semble assez saine (sourires), je suis soulagé. En fait la bonne nouvelle est tombée un 24 décembre 2012. Morgan nous a annoncé qu’elle reprenait l’affaire. Un cadeau magnifique…

Aujourd’hui qui dirige ?

Loïc – Je suis toujours le seul maître après Dieu (rires) mais le passage de témoin va se faire tranquillement.

Vous êtes aujourd’hui dans une phase de transition, d’accompagnement ?

Morgan – En ce moment j’ai beaucoup de travail administratif à récupérer. Donc je passe énormément de temps ici dans le bureau. Et à mon goût pas assez sur le terrain, bien que je travaille également à la production lorsque nous sommes en saison. Je n’ai pas de formation spécifique, mais j’ai un gros avantage : avec ma soeur Nolwenn nous avons été éduquées gustativement parlant. Ce qui me manque c’est la palette : qu’est ce qu’il faut mettre, avec quoi, en quelle quantité pour faire telle chose. J’ai la base, le fonds. Reste le biologique qui passera sûrement par une formation et un accompagnement de mon père au quotidien. J’ai vraiment très envie d’être sur le terrain. J’ai du goût pour ce métier.

Loïc – Cette course à la dégustation permanente fait partie de l’aventure du métier. Ici tout le monde touche à tout. C’est la base pour avoir du plaisir à travailler. Il n’y a pas de spécialisation, même si chacun à des responsabilités. Jean-François à la dégustation, responsable de la cuverie sous mon autorité. Arnaud, mon jeune frère est plus dans la partie commercialisation contact avec la clientèle…

Une partie du travail t’intéresse plus qu’une autre Morgann ?

Morgan – Même si je n’ai pas encore assez d’expérience pour être définitive, je pense que c’est l’ensemble du métier qui m’attire. En fait, ce n’est pas tant le contenu que la méthode et la manière qui me donnent goût aux choses. Nous dégustons ensemble mais c’est Loïc qui fait encore seul les assemblages. Encore un autre aspect du métier qui m’attire, c’est l’aspect managerial, qui demande de la rigueur et une souplesse. Nous sommes sur la même longueur d’onde quant aux objectifs… pas spécialement sur les moyens (rires).

Loïc – Moi je suis un peu brutal, je prends moins de gants, alors que Morgan fait plus de psychologie, elle va amener plus de rondeur, de communication. Moi j’ai toujours demandé aux gens de comprendre par eux-même… 

Loïc et Morgan Berthelot - Gouts d'Ouest-2

Cela ne doit pas être évident de prendre le relais après un monument comme Loïc ?

Morgan – Je n’ai certainement pas l’aplomb de Loïc vis à vis des médias par exemple. Mais globalement je suis à l’aise avec les gens. Il me faut un peu plus de temps pour avoir les idées claires… Loïc cela fait des années qu’il rode son discours (rires)… Je dois également beaucoup travailler mes réseaux, notamment économiques.

Loïc – La communication extérieure a toujours été très personnalisée chez Coat-Albret, c’est un fait. Mais cela a été voulu, maîtrisé. J’estime que les gens retiennent mieux et apprécient mieux quand ils voient un visage derrière un produit. Le mien va s’effacer petit à petit, cela ne me pose aucun problème, mais il ne faut pas que la marque soit déshumanisée.

Morgan – La dessus je n’ai pas de complexe. Je sais qu’il va falloir que je bosse plus sur certains aspects, mais après c’est ma personnalité. 

Loïc – Moi il faudra que j’accepte de ne plus être l’image Coat-Albret petit à petit. Je l’accepte mais cela ne va pas être facile… 

Morgan – Oh comme il faut au moins 10 ans pour que les gens s’adaptent, tu vas encore représenter la marque pendant un bon bout de temps…

Loïc – Oui, je suis comme la Vache qui Rit un peu (rires) !

Reste que Coat Albret ne repose pas non plus uniquement sur un homme, c’est une maison de qualité, de valeurs…

Loïc – Cette entreprise porte évidemment mes convictions, mais elle a désormais sa vie propre. Maintenant ce n’est plus uniquement moi.»

Morgan – Coat-Albret c’est Loïc, mais ce sont aussi des valeurs. Et parfois en totale incohérence avec la rigueur gestionnaire. Le fonctionnement n’est parfois pas du tout rationnel, mais il faut l’intégrer. Comme aller dépanner des clients en urgence à 250 km ! Mais c’est important, les gens s’en rappellent. 

Loïc – Ici, il y a toujours une permanence le 14 juillet et le 15 août pour dépanner les crêpiers de la côte ! C’est primordial.

Morgan – Signe de ces valeurs également, le très faible turn-over des salariés. Les gens sont là depuis 20, 15, 9 et 7 ans ! On a une vraie politique interne. Nous essayons de faire en sorte que la richesse créée dans l’entreprise soit redistribuée de manière équitable. Le produit final a un prix fixe, non négociable. On y gagne à tous les niveaux. Les salariés sont disponibles, impliqués. Une petite boite avec un produit de qualité qui renvoie une belle image aux salariés.

Des changements sont-ils à attendre du côté des produits Coat-Albret ?

Loïc – J’ai vraiment très envie de faire du chouchen avec des apiculteurs bretons. J’aimerais faire du chouchen avec du cidre, comme cela se faisait avant. Et là j’ai des idées par rapport à certaines variétés de pommes. On a tout pour faire un produit noble.

Morgan – Pour ce qui est de Coat Albret, il y a le jus de pomme que l’on vient de lancer. Nous n’en faisions pas jusqu’à présent car cela tombait au moment de la saison du cidre.

Loïc – L’idée était donc de trouver des variétés de pommes très tardives pour faire un jus de pomme après la saison du cidre. C’est arrivé cette année, avec les pommes que l’on voulait. Il a été fait en «live» comme une recette de cuisine. J’avais une dizaine de variétés, on pressait, on assemblait en continu les différents jus et on goutait régulièrement. De façon empirique. On a fait 8 000 litres au départ. Aujourd’hui la recette est établie. On va l’améliorer et j’aimerais garder l’aspect «création». 

Morgan – Le jour où ils l’ont créé je n’étais pas là, mais cela fait un bout de temps que l’on réfléchi ensemble à l’opportunité de faire un jus de pomme. Je suis pour le jus de pomme pour ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier, se diversifier par rapport à l’alcool. Là nous l’avons commercialisé sous forme de bib et nous sommes dépassés par le succès qu’il rencontre !

Loïc – Et puis je repense à un cidre fermenté sur lie, de très longue fermentation avec toute sa matière de départ. Là je pense que l’on a quelque chose d’intéressant.

 

Loïc & Morgan BERTHELOT – Cidrerie du Bois d’Albret – 35137 BEDEE
Tel: (00 33) (0)2 99 09 05 78 – coat-albret@wanadoo.fr
Ouvert de 9h à 12h et de 14h à 18h du Lundi au Vendredi.

 

 

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.

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Coat-Albret, Morgan de cidre…

par Olivier Marie temps de lecture : 8 min
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