Fin septembre, le site Atabula publie une lettre ouverte Contre l’invasion de l’agrochimie dans nos assiettes. La pétition est signée d’innombrables chefs français, à commencer par Olivier Roellinger, suivi d’ailleurs par plusieurs autres chefs bretons. Cette lettre ouverte n’a pas échappé au maraîcher breton Christophe Collini. « C’est très bien, mais on fait quoi maintenant les chefs ? On continue à proposer des légumes hybrides à cms (stérilité mâle cytoplasmique) dans les assiettes ? Les chefs doivent s’investir pour faire perdurer les variétés menacées. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud, il faut que les chefs s’engagent sur le goût, ils sont légitimes. »
Installé à Saint-Péver depuis 5 ans, l’ancien directeur général adjoint de Siemens cultive aujourd’hui, en saison, quelques 450 variétés de tomates, 80 d’aubergines, une centaine de poivrons, 57 variétés de choux… « En tout je fais ici 1400 variétés de légumes cette année. » Mais que l’on ne s’y trompe pas, Christophe Collini n’a que faire des records. Son combat est bien plus noble. Son combat est celui de la préservation de la diversité des populations végétales, celui de la préservation du goût, d’une alimentation saine et accessible à tous. Son combat est celui du Conservatoire du goût !
Le Conservatoire du goût n’attend plus que les chefs
« J’ai ici une multitude de semences paysannes que je vais chercher aux quatre coins du monde. Je les plante, je fais des essais. Mais toutes ne sont pas intéressantes de façon uniforme. Certaines vont avoir un goût subtil mais une peau trop épaisse. D’autres une couleur attrayante mais peu de goût… Je pense que l’on ne sauvera des variétés que parce qu’elles ont un intérêt gustatif. Aujourd’hui on fait de la sélection pour le semencier, Sativa en Suisse, un des meilleurs dans la biodynamie et le bio en Europe. On vient de signer un partenariat avec eux. Ils veulent que l’on fasse ici une sélection gustative. Le réseau Biocoop serait aussi partant pour l’aventure. C’est là où j’ai besoin des chefs ! J’ai besoin d’une collaboration sur le long terme avec une dizaine de chefs en Bretagne. »
Christophe Collini travaille déjà avec une vingtaine de chefs parisiens, via Terroirs d’Avenir. « J’avais entamé un travail avec Pascal Barbot, Sven Chartier, Bertrand Grébaut. Mais je n’ai pas assez de retour, et c’est compliqué d’aller les voir régulièrement. Ici en Bretagne, excepté Lionel Hénaff, Xavier Hamon, Mathieu Kergourlay, cela ne prend pas. Je ne comprends pas. Pourtant, j’ai vraiment besoin d’une dizaine de chefs en Bretagne. Je leur livre des légumes, ils me font des retours, je replante la semence de la variété choisie etc. L’idée est d’aboutir au final à des légumes qui ont du goût. Et ensuite, de partager ces semences avec d’autres maraichers convaincus par cette démarche ! Mon travail actuel avec Lionel Henaff par exemple, est fondamental. Je lui laisse des légumes, il les cuisine différemment, les goûte, me fait des retours précis… On avance vraiment bien avec Lionel, c’est un passionné. » Au final, il faut compter entre 5 et 7 ans de collaboration avant d’avoir une variété intéressante sur le plan gustatif…. « Si l’on veut travailler sur le goût, il faut ramener les chefs aux champs. »
Outre ses 5 tunnels de Saint-Péver, Christophe Collini travaille la terre de l’île de Saint-Riom dans l’anse de Paimpol. « Un couple va s’installer là-bas pour cultiver nos semences, avec le Conservatoire du goût. Nous allons leur faire une sélection bien précise de légumes d’exception. »
Tout est prêt pour que le Conservatoire du goût démarre. Il ne manque donc plus que quelques chefs. Aux dernières nouvelles, Julien Lemarié, qui serait sur un nouveau projet rennais, est allé à la rencontre de Christophe Collini. « Ce qu’il fait est incroyable. J’ai beaucoup aimé le personnage. Nous allons très certainement travailler ensemble sur le long terme. Je suis impatient, » commente le chef.
IL est évident que nous avons de très beaux produits, de petits producteurs bios, à faire découvrir dans notre belle région. Je me fourni exclusivement pour les légumes, viandes et poissons à de petits producteurs locaux respectueux de la terre, de l’environnement et de l’humain. J’évite autant que possible les légumes hybrides et à ma petite mesure remets en avant des variétés presque disparues. Nous avons de belles richesses localement, porc blanc de l’ouest, coucou de Rennes, choux de Lorient, poireaux gaelic, produits laitiers de vache pie noire, sans compter nos pêches côtières de ligne ou de filet (jamais de chalut). Je ne peux pas tout énumérer et je ne connais honnêtement pas tout. Je serais heureux de rencontrer des spécialistes qui puissent me permettre d’aboutir encore plus mon projet de restaurant Local, en commerce équitable. J’ai pour devise de dire que quand un client consomme chez moi il participe à l’économie locale et pas n’importe laquelle, celle qui prend le temps, qui respecte les saisons, qui respecte les produits, les animaux et les Hommes. Encore une fois je n’ai ouvert que depuis deux ans mon restaurant et apprend chaque jour avec des collaborateurs, clients voisins les secrets du bien manger, manger vivant et qualitatif. Je n’ai pas la prétention d’avoir une grande table mais une table ou nous partageons autour de valeurs qui ont un sens pour moi et à mon sens pour la survie de notre planète.