13 décembre 2020

Perma G’Rennes, Ferme à défendre

Par In Producteurs

Fragilisé par un projet d’agrandissement de son gourmand voisin, le Stade Rennais, le maraîcher Mikaël Hardy poursuit son travail d’agriculture vertueuse sur les historiques terres agricoles vivrières de l’ouest de Rennes. Sa micro-ferme, Perma G’Rennes, contribue au maintien de la biodiversité en ceinture de ville. 

– Reportage photo effectué sur plusieurs saisons

La micro ferme Perma G’Rennes, une fin d’après-midi d’été.

En cette froide matinée ensoleillée de novembre, où quelques chats sauvages, frôlant les feuilles encore prisonnières de leur fine couche de gel, rejoignent rapidement les serres ouvertes pour réchauffer leurs coussinets, on sent bien au jardin que nous sommes à la fin d’un cycle et qu’un autre se met en branle doucement, au rythme de cette courge éventrée dont la destinée sera finalement de nourrir le sol. S’activant autour du mandala bâché, Mickaël Hardy attaque sa journée de maraîchage à bras-le-corps. On dit souvent que l’hiver n’est pas la bonne saison pour le jardin, mais c’est pourtant bien là que tout commence. Tirant ici une vieille charrette « crève-panse » chargée de foin fumant, empoignant là une grelinette, Mickaël ne s’économise pas. Il prépare, aère, protège, réchauffe, enrichit, amende la terre avant de planter, sur d’autres rangs, l’ail ou le poireau. Tout pousse sur ce site de La Prévalaye sis à l’Ouest de Rennes, sur plus de 400 hectares en bordure de Vilaine. C’est une zone inondable au joli paysage bocager et à vocation agricole et maraîchère. On y croise des jardins familiaux, un écocentre, le Jardin des Mille Pas, une fête du cheval, un centre de loisirs, le centre d’entrainement du Stade Rennais… Autrefois on parlait même des prairies de la Prévalaye où l’on produisait un beurre d’exception qui s’appréciait, aux XVII ème et XVIII ème siècles, jusqu’à la cour royale. Dans les années 80, diverses activités de maraîchage et d’élevage, de vaches pie noir notamment, ont subsisté avant de disparaitre. « Ce sont les terres les plus riches autour de Rennes. » 

Naturaliste devenu maraîcher sur le tard

Souhaitant renouer avec cette vocation agricole, la municipalité rennaise encourage depuis quelques années l’installation de micro-fermes en facilitant l’accès au foncier. Mikaël Hardy s’installe ainsi en septembre 2016. « On m’a prêté le foncier et j’ai investi dans tout le reste en démarrant avec mes confitures. » En 2019, Perma G’Rennes dégage un chiffre d’affaires de près de 50 000 €, prouvant la viabilité du projet de cet ancien naturaliste et photographe animalier, devenu maraîcher sur le tard. « Il fallait que je confronte mes idées et m’implique physiquement dans la terre ! » Cet amoureux de cueillettes sauvages oeuvre dans un premier temps au nord de Rennes, dans une ferme de 4 hectares, avant de rejoindre la Prévalaye.

Perma G’Rennes étend ses cultures, en planches ou en mandalas, sur quelque 4700 m2. « Mon projet s’inspire des écosystèmes sauvages. C’est ce que l’on appelle la permaculture. » La ferme reproduit un bocage en une petite dizaine de jardins, que Mikaël travaille tout en douceur, laissant les vers remuer la terre, paillant, passant l’étrange tracteur à poules… Sur la ferme, il y a des talus, un four à bois, cinq serres, des haies, des ormes, une mare… Un environnement organisé, inspiré de la biodynamie, qui vise à recréer des écosystèmes propices au maraîchage. Celui en serre favorisant par exemple la culture des tomates, celui en zone sèche et exposé au soleil convenant de son côté aux carottes. Les talus sont aménagés avec des arbres fruitiers, des plantes sauvages ou des plantes cultivées, afin d’attirer les grenouilles et autres insectes recréant une biodiversité. « On compte ici plus de 80 espèces d’abeilles ! » se félicite Mikaël qui cultive quand à lui 80 espèces de végétaux, « un peu partout sur la ferme. » Ce « remue-mélange » lui permet de retrouver son instinct de chasseur-cueilleur, « sans compter que l’on va associer certaines plantes avec d’autres légumes afin qu’elles les protègent. »

Basilic mammouth, mertensia, shiso…

Sur le marché bio du Mail François Mitterrand où il vend ses productions tous les mercredis (en plus des paniers en vente directe à la ferme et des ventes auprès de restaurants rennais), Mikaël s’est spécialisé dans les variétés de légumes, d’herbes ou de fleurs peu courantes. A commencer par les cueillettes sauvages de pissenlit, plantain, épiaire des bois, alliaire ou encore chardon qui, en cuisine, « blanchi comme les endives devient sucré, croquant et très doux en bouche. » Aux beaux jours les cagettes de Perma G’Rennes débordent de basilic mammouth légèrement anisé, de mertensia au goût d’huître, de baselle qui, l’été, « remplace la salade en donnant de la fraîcheur. On l’appelle également épinard de Malabar. » Le shiso, dont Mikaël ne cueille que les jeunes feuilles tendres, est aujourd’hui très prisé et se cuisine « avec des carottes râpées et du cumin. C’est une plante asiatique qui stimule les défenses immunitaires. » Parmi les autres légumes, on note cette carotte rouge sang violette dite carotte des maraichers de Paris, la pomme de terre oeil de perdrix, la batavia goutte de sang… Autant de variétés oubliées qui revivent ici en fonction des saisons.

Dans les quelques serres de la micro-ferme, Mikaël produit ses semences à partir de ses propres récoltes, habituant ainsi les plantes à leur environnement, au changement climatique, à la sécheresse. « Ce sont ce que l’on appelle des semences paysannes, résiliantes, » donnant par la suite des cultures ne nécessitant que le strict minimum d’eau. « Moins on arrose, plus les sucres se concentrent dans la plante. Je n’utilise que 250 litres d’eau par jour là où un maraicher normal en utilise 25 000 litres… Et je ne parle même pas de mes voisins ! » 

Justement. De l’autre côté de la micro-ferme, où l’on perçoit le bruit sourd des crampons martyrisant le cuir des ballons, l’entrainement des joueurs du Stade Rennais bat son plein. Un puissant voisin qui lorgne aujourd’hui, pour s’agrandir, sur plusieurs hectares de la Prévalaye, et notamment le bâtiment en pierre jouxtant la ferme. Mikaël est anxieux, il imagine une autre destinée pour cette ruine. Alors qu’il demandait la transformation de son bail précaire en bail agricole, afin d’avoir davantage de visibilité, ce dernier lui a été refusé. « On m’a renouvelé un bail précaire… Qu’est-ce que je dois penser ? » L’arbitrage de la ville devrait être rendu dans les jours qui viennent.

Le site : Perma G’Rennes

Texte & Photos © Olivier Marie

L’Hiver…

Le Printemps…

La fin de l’été…

Texte & Photos © Olivier MARIE

Écrit par Olivier Marie

Journaliste culinaire professionnel écumant les salles de restaurant et les cuisines de l'Ouest depuis plus de dix ans.
5 commentaires
  1. Kaiser Armelle 13 décembre 2020

    C’est ce genre de projet qui nous fait grandir. Merci pour votre investissement responsable et respectueux. Moi qui suis en ville vous me faites rêver et espérer à un monde différent. J’espère que vous pourrez continuer et que la ville soutiendra ce beau projet de vie.

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    • Juliette 15 décembre 2020

      Merci pour ce papier, Mika et ses conseils sont archi précieux, on a besoin de lui

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  2. Sevenet Gentil 14 décembre 2020

    Lancer une pétition ?

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    • franck Morel 27 décembre 2020

      Oui, ce serait bien de lancer une pétition

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  3. La Relève et La Peste 23 décembre 2020

    […] quatre ans, Mikaël Hardy a réussi à faire de Perma G’Rennes un modèle de réussite en agriculture urbaine. Sans aucune subvention publique, son travail d’orfèvre en symbiose avec le vivant lui a permis […]

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Perma G’Rennes, Ferme à défendre

par Olivier Marie temps de lecture : 5 min
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