Tout est parti d’une invasion. Une invasion de 300 bâteaux bigoudens qui déferlent sur Port-Maria dans les années 20. « Il n’y avait plus de sardines dans leur coin et elles pullulaient ici. C’était le temps de la marine à voile, et comme ils avaient des difficultés à remonter chez eux, en mer par vents contraires, ils ont préféré s’installer ici, sur Port-Maria. Quiberon est devenue une enclave bigoudène dans le Morbihan puis, dans les années 30, le premier port sardinier de France avec une douzaine d’entreprises de transformation ! » Cette histoire morbihano-finistérienne, c’est Thierry Jourdan qui la raconte de son bureau encombré de boites de sardines sérigraphies par Yan, Margerin, Plisson, Mayeux… Avec son frère Bernard, ils dirigent La Quiberonnaise, l’une des deux conserveries de poissons spécialisée dans la sardine à Quiberon avec La Belle-Iloise. « Mon grand-père était issu de la marine marchande, il avait la connaissance technique et son épouse, de Douarnenez elle, avait la recette. Ils ont donc créé Jourdan & fils La Quiberonnaise en 1921.» Aujourd’hui encore, La Quiberonnaise est une entreprise artisanale à visage humain. Et il suffit de se promener dans l’entrepôt pour s’en convaincre.
Tout débute naturellement dans le bas, vers le port, la mer. Derrière cette immense fresque qui, côté rue, orne les murs de l’entrepôt. « C’est évidemment ici que tout commence, avec l’arrivée des sardines pêchées dans la baie de Quiberon de mai à octobre. La Quiberonnaise travaille avec le chalutier fileyeur le New Look attaché à Port Haliguen. Les sardines viennent également du Kanedeven, un bolincheur, dernier sardinier de Port-Maria. « En février, on fait les soupes de poisson avec le congre, en mars les filets de maquereaux… » Travail de saison. Et les voici toutes fraîches ces fameuses sardines riches en oméga 3, prêtes à passer par les petites mains. Elles seront tour à tour salées, étripées, ététées, saumurées, mises sur grilles, rincées à l’eau douce, séchées, frites, égouttées, parées et mises en boite, tête bêche évidemment et ventre à l’air, signe de qualité. Le tout en 48h montre en main. Certains vont plus vite, mais ici, «nous prenons le temps de bien égouter une nuit entière, les sardines. Il n’y a plus une seule trace d’huile de cuisson dans la boite, c’est plus digeste.»
Pour réaliser ces étapes, La Quiberonnaise compte sur ses petites mains. Des mains traditionnellement féminines (les hommes sont en mer) même si « nous avons ouvert aux hommes en 1990. » Une quinzaine de personnes reviennent d’ailleurs systématiquement chaque année travailler la sardine. Deux métiers principaux sont ainsi occupés : l’étripage et / ou la mise en boite, avec deux options possibles, cuisson et nettoyage. « En 15 jours, une personne qui n’a jamais touché à une sardine est au point. » Au point par exemple de savoir qu’un bain de cuisson prend de 1 à 3 minutes en fonction de la grosseur de la sardine.
Gage de qualité, toutes les boites estampillées La Quiberonnnaise sont millésimées. «Une boite de sardines doit être consommée dans les 5 à 6 ans.» Rien ne sert de les ouvrir trop rapidement non plus, puisque, pour ce qui est des sardines au 3 piments, «les deux kashmiris et l’oiseau parfument d’abord l’huile et pénètrent les chairs au bout de 5 à 6 mois.» Et même si les sardines à l’ancienne restent les plus grosses ventes, «nous essayons de proposer une nouvelle recette tous les 2 ans.» Comme celles à l’huile de sésame bio, les sardines au beurre de Jean-Yves Bordier… «Quoi qu’il en soit il faut que cela apporte un plus à la sardine et que les produits ajoutés soient naturels.»Pas comme la belle quiberonnaise que l’on retrouve sur les boites car, « pour dessiner ce portrait dans les années 60, l’auteur s’est inspiré de différents femmes de la famille. »
La Quiberonnaise / sardines.fr